12. Je passe au congélo pour des raisons scientifiques

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Quand nous retrouvâmes les garçons, j'eus du mal à les reconnaître. Déjà, les lentilles rouges et la coloration des cheveux m'avaient déstabilisée, mais là, une fois vêtus d'habits martiens, c'était une autre affaire. Mes amis étaient tous affublés de chemises amples blanches, de pantalons en soie rouge et de chaussures encore plus horribles que celles d'Inès. Les garçons ne semblaient pas particulièrement à l'aise dans leurs tenues, tripotant nerveusement les onglets de leurs manches. Ethan tenait dans ses bras une petite dizaine d'épées argentée, aussi longues qu'un avant-bras. Le manche était manifestement fait de bois, tandis que la lame, d'un gris clair brillant, devait être en noussine, la fameuse mousse brûlante. Contrairement à mon poignard, les épées ne comportaient aucune arabesque ni pierre précieuse. Fynn quant à lui portait huit plaques hexagonales, chacune épaisse d'au moins trois centimètres et étaient aussi grandes qu'une feuille A3. Je supposai qu'il s'agissait des tabelots.

- Vous êtes splendides, gloussa Romy à l'intention des garçons.

- Tu me flattes, rétorqua Ethan en s'inclinant. Mais pas autant que toi.

Romy esquissa une petite courbette et adressa un sourire hautement ironique à Ethan.

- Bien, tout le monde est là, s'exclama Migor. Allons-y.

Il tourna les talons et commença à avancer dans la direction opposée. Les garçons devaient avoir eu vent de notre visite médicale, car ils lui enjambèrent le pas sans hésiter. Je haussai les épaules en les suivant, les filles sur les talons.
Nous nous engageâmes dans une petite rue, perpendiculaire à la Haute Rue, plus calme que cette dernière. Les maisons blanches étaient davantage attrayantes que les bâtiments gris sans fenêtres. L'atmosphère redevint calme et les bruits de la rue commerciale commençaient à s'étouffer. Détendue par l'amenuisement de la foule, je relâchai mes doigts crispés autour de ma clé.

- C'est loin, chez le médecin ? questionna Fynn.

Il manqua de lâcher tous les tabelots en trébuchant sur une pierre, mais Lina le retint de justesse.

- Merci, fit Fynn en reprenant le dessus.

- Oh, c'est trois fois rien, bredouilla Lina et cala une mèche derrière son oreille.

Inès détourna la tête pour cacher son hilarité aux yeux de deux concernés.

- Non, répondit Migor, on y est presque.

Nous marchâmes encore pendant quelques minutes, puis nous arrêtâmes devant un gratte-ciel, identique à tous ceux que j'avais vus jusqu'alors. Quand nous pénétrâmes à l'intérieur, le hall d'accueil ressemblait fortement à celui que j'avais visité dans la Tour qui nous avait menés au Mexpress lors de notre visite chez les Représentants. Des bureaux étaient disposés sur les bords de la pièce, derrière lesquels des gens étaient installés, leurs doigts pianotaient sur des claviers d'ordinateurs sans nous prêter la moindre attention. Je retrouvai le même couloir, au fond de la pièce, qui donnait sur un escaliers aux marches volantes. À mon plus grand soulagement, les triplés nous guidèrent vers un ascenseur au centre de la pièce. Une pancarte XXL était accrochée au dessus des portes méchaniques, indiquant « Tour médicinale » en lettre dorées. Dès que Migor appuya le doigt sur un petit écran inséré dans le mur, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Nous nous y engouffrâmes tous les onze, sans brocher malgré l'espace confiné. Marghau pressa un bouton hors de mon champ de vision, après quoi je sentis que l'ascenseur s'élevait.

Personnellement, les médecins me faisaient ni chaud ni froid. Je tombais rarement malade, et encore plus rarement suffisamment pour aller chez un pédiatre. Pourtant, l'idée de me faire ausculter par un docteur qui devait œuvrer avec des méthodes étrangères à celles auxquelles j'avais l'habitude ne me laissait pas de marbre. Nils et Inès semblaient partager mon avis plus que quiconque ; ils se jetaient des regards appuyés, comme s'ils s'apprêtaient à entrer en classe pour rédiger un contrôle de maths qui vaut triple dans la moyenne.

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant