EROBYE - Tome 1 : Le Miracle

Chapitre 22.1 - rework

Wassalie

Je suis Hyro en silence à travers le dédale du château.

Après avoir repris connaissance une heure plus tôt, ma première réaction avait été de rassembler mes affaires pour m'enfuir le plus loin possible. J'avais usé de mon pouvoir sur Hyro. Ce n'était qu'une question d'heures avant qu'il me dénonce.

J'avais bousculé Nakpa après avoir enfilé des vêtements chauds et confortables pour voyager.

Puis, je m'étais assise devant la coiffeuse pour tresser correctement mes cheveux. Dans le reflet, mon regard avait été attiré par le pendentif d'Egon, dans lequel reposait désormais la magie des Ombres.

En posant mes doigts sur la pierre froide et lisse, le visage d'Hyro s'était imposé à moi, insistant. Il m'avait effrayée au point de me pousser à me compromettre et nul doute qu'il aurait été jusqu'au bout si je ne l'avais pas arrêté. Il avait perdu le contrôle. Et une personne qui comptait beaucoup pour lui.

Malgré tout, je me sentais triste pour lui. Pour cette solitude qui est la sienne. Une solitude accompagnée d'un fardeau qu'il ne peut partager avec personne.

Ensuite, je m'étais demandé pourquoi cette fille que je ne connaissais pas avait gravé mon nom sur son bras avant de mourir ?

Les phrases prononcées par Hyro tandis qu'il m'agressait ne cessaient de tourner ne boucle dans mon esprit. Pourquoi pensait-t-il que je cherchais à le posséder ? Qu'avait-il voulu dire par : Tu penses avoir un quelconque droit sur moi à cause de ce que nous sommes l'un pour l'autre ?

J'avais alors réalisé que je ne pouvais pas partir comme ça. Pas sans avoir obtenu des explications. Et... L'idée de ne plus revoir Egon m'attristait, je devais l'admettre.

Mes yeux s'étaient à nouveau posés sur la pierre noire, et j'avais compris. L'amie d'Hyro m'avait désignée non pas en tant qu'individu, mais en tant que kuulaja. Elle était partie de façon brutale et sans doute avait-elle quelque chose d'important à dire à Hyro.

Cela ne pouvait être que cela. Rares sont les kuulaja qui possèdent le don de lire l'esprit des morts. Mais moi, je ne suis pas comme les autres. Nek m'avait enseigné cet art car il avait décelé en moi le fragment mortel de la nécromancie.

Je m'étais donc levée avec détermination pour gagner la chambre d'Hyro, patientant presque deux heures sur le pas de sa porte. Une attente interminable.

Et à présent nous voilà, déambulant côte à côté dans le palais, silencieusement.

Hyro nous guide dans les sous-sols du palais où nous dépassons ce qui s'apparente à une infirmerie. Je remarque un local sur ma droite regorgeant de fioles, de potions, d'herbes et de linge. Nous descendons un nouvel escalier avant de pénétrer dans une pièce étroite, plongée dans la pénombre. Mais même avant qu'Hyro n'illumine la pièce avec son pouvoir, je sens l'odeur caractéristique des cadavres.

Il marche jusqu'à une table en bois où un corps est étendu, dissimulé sous un drap rouge. Il s'en approche avec crainte. Je le vois fixer le tissu quelques secondes avant qu'il ne se décide à le faire glisser, révélant le corps sans vie de son amie. De la glace a été déposée tout autour et sous le corps afin de ralentir la décomposition, mais l'odeur reste insoutenable.

J'approche malgré tout pour découvrir le visage endormi de la jeune femme. Elle était plutôt jolie, avec son visage gracile et sa magnifique chevelure d'un roux étincelant. Ses lèvres sont parfaitement dessinées, tout comme son nez et ses sourcils. En la humant, je reconnais l'odeur que j'ai déjà flairé sur Hyro, devinant que cette femme n'était pas seulement son amie, mais son amante.

- Comment s'appelait-elle ? murmurai-je.

- Valeria.

Il se détourne du corps pour s'adosser contre le mur, les bras croisés sur sa poitrine.

- Je suis sincèrement désolée pour la perte de ton amie, ajoutai-je avant de le regarder.

Ses yeux sont rivés au sol, comme si la voir est trop difficile.

- Hyro, est-ce que tu veux venir avec moi ? Dans son esprit ?

Il lève son visage, les sourcils froncés.

- C'est possible ? me demande-t-il, étonné.

- Si je te le propose... Tu ne pourras que voir et entendre à travers moi. Et sache que nos deux esprits seront entremêlés. Je pourrais donc entendre tout ce que tu penses. Et réciproquement. C'est la contrepartie. Valeria pourra sentir ta présence et elle sera plus apaisée. Car les esprits des morts sont parfois effrayés.

Hyro baisse la tête et réfléchit quelques instants avant de répondre.

- Je viens avec toi.

- Bien. Alors approche.

Il avance vers moi de quelques pas.

- Plus près.

Il s'exécute. Je lui offre ma main. Il hésite avant de l'accepter. Je suis surprise de constater à quel point sa main est chaude alors qu'il fait si froid. Avec ma main libre, j'effleure le visage de Valeria avant de la positionner sur ses paupières closes.

- Tu es prêt, Hyro ?

- Oui.

- Nous n'aurons que très peu de temps. Valeria est morte depuis plusieurs heures et si son esprit s'envole alors que nous sommes encore à l'intérieur, nous pourrions y rester bloqués à tout jamais.

- Je ne te gênerais pas.

- Entendu.

Je ferme les yeux et fais le vide. J'inspire lentement et profondément avant de plonger dans l'espace onirique de la morte.