Ysiah Naho soupira. De fatigue principalement : il y avait fort longtemps qu'elle ne s'était pas occupé d'un enfant, et avoir sa petite-fille à la maison depuis si longtemps était certes un plaisir, mais qui prenant une grande partie de son temps et de son énergie. Âgée de tout juste 3 ans, la petite Lia nécessitait encore toute son attention. L'enfant était pourtant solaire, rieuse, et tout à fait facile à vivre : elle ne pleurait presque jamais, ou que très rapidement, s'amusait d'un rien et ne prenait pas de risques. Elle écoutait ce que les adultes lui disait, mangeait tout son assiette sans ce soucier du menu, et pouvait dormir n'importe où. Mais Ysiah Naho devait remplir en parallèle son rôle de guérisseuse : ils n'étaient que trois en ville à soigner, et elle était la seule à avoir l'autorisation de cueillette. Et elle ne pouvait que difficilement emmener sa petite-fille ! D'ailleurs, la tête brune de la petite venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte : haute comme trois pommes, la peau mate, deux immenses billes noires accompagnées d'un sourire composé de quelques petites dents, et le tout entouré de boucles brunes... Un ange, se dit Ysiah Naho, qui s'agenouilla pour cueillir dans ses bras la petite Lia toute souriante. Sa fatigue devint soudain tout à fait supportable.
Comme tous les soirs au moment du coucher, la grand-mère s'assit au bord du lit la petite en s'éclairant la voix, et lui conta l'histoire que chaque enfant de la ville connaissait :
-Il était une fois, il y a longtemps, très longtemps de cela, des hommes qui vivaient sur la terre ferme. Ils étaient tellement nombreux qu'ils occupaient toute la place disponible sur leurs terres. Mais un jour, certains d'entre eux remarquèrent qu'ils étaient de plus en plus à l'étroit. Ils s'interrogèrent sur les raisons à cela. Puis, au fil du temps, ils comprirent que c'était l'eau qui montait. Car leurs terres étaient entourées de grands océans ! Mais ils n'habitaient pas dessus. Ils pillaient la mer, tuaient les animaux marins par centaines de milliers ! Mais l'eau continuait à monter. De plus en plus haut, de plus en plus rapidement. Alors tous commencèrent à embarquer sur des navires de toutes tailles. Pendant ce temps, l'eau continuait d'engloutir la terre, jusqu'au jour où elle avala le dernier morceau terrestre. Les hommes n'étaient pas habitués à vivre uniquement sur l'eau, et beaucoup moururent. De plus, ils avaient tellement épuisé les ressources de la mer qu'il ne restait pas assez de poissons et de crustacés pour nourrir tout le monde. Le temps passa, emportant avec lui beaucoup de vies. Les hommes commençaient à s'habituer à cette nouvelle vie, quand une série de tempêtes frappa. Le vent, la pluie, la mer, le tonnerre, tous les éléments se déchaînèrent sur le globe entier, détruisant les embarcations sur leur passage. Et quand le calme fut revenu, après 1 mois entier de terreur, seule la moitié des hommes avaient survécu. Ils se regroupèrent alors, créant des bateaux plus grands et plus solides en les attachant ensemble. Plusieurs cités furent construites ainsi, et elles firent du commerce entre elles pour s'entraider. Les océans se repeuplèrent doucement, et on découvrit que les plus hauts sommets des montagnes de la terre n'avaient pas été avalés par l'eau. Aquatea est l'une des rares cités construites sur l'un de ces sommets. C'est pourquoi elle est si grande, et si belle.
Elle la regarda serrer son doudou contre elle, et fermer ses yeux. Le souffle régulier de la petite indiqua que celle ci s'était déjà endormie. La vieille dame la regarda longuement, perdue dans ses pensées. Cela faisait à présent une année entière que son fils et sa belle-fille, les parents de Lia, étaient partis en mer. Ils auraient du revenir il y a de cela 2 saisons, et l'absence de nouvelles de leur part l'inquiétait de plus en plus. Il n'était pas rare d'avoir de longs retard lors de voyage d'échange, et il était encore trop tôt pour penser au pire, mais son cœur se serrait dès qu'elle pensait à eux. Antole et Naéda étaient encore si jeunes, et leur fille si petite... Elle secoua doucement la tête.
-Pense à autre chose, s'ordonna t-elle en chuchotant. Elle lança un regard à sa petite-fille, que l'inquiétude, heureusement, ne rongeait pas.
La charge de l'éducation de la petite Lia changea bien des choses dans la vie de sa grand-mère. Quand la petite eu six ans passé, elle était déjà si grande aux yeux d'Ysiah Naho que cette dernière décida en plus de son activité de guérisseuse, de devenir nounou. La maison remplie de bruit et de mouvement était parfois source de fatigue, mais la joie que cela lui apportait n'avait pas de prix.
En réalité, la guérisseuse ne souhaitait pas voir sa bâtisse vide de vie, et sa petite fille grandir seule. Ou peut-être se mentait-elle, peut-être était-ce elle-même qui ne supportait pas se voir seule. Elle ne l'était pourtant pas quand on regardait les faits : le quartier entier lui avait apporté son aide, et des années après c'était encore le cas. Elle avait pu pleuré dans des bras qui l'avaient réconforté, confier son chagrin et ses doutes à des oreilles attentives, mais son deuil elle le savait, resterait jusqu'à la fin de ses jours.
Son fils et sa belle-fille auraient n'auraient jamais dû partir, se disait-elle parfois. Comme si cette phrase, cette pensée, pouvait y changer quelque chose. Ils étaient partis vivants, et jamais revenus. Là était le plus dur. Il n'y avait jamais eu de corps, jamais de missive, rien. Elle ne se souvenait presque plus du moment où elle avait cesser d'espérer. Cesser d'y croire, renoncer. Accepter une réalité trop dure pour y faire face sans preuve aucune, c'est ce qui la blessait aujourd'hui encore. Cela faisait maintenant treize années qu'Antole et Naéda avaient cessé de donner des nouvelles, treize ans que Lia n'avait pas vu ses parents. C'était presque comme si elle ne les avaient jamais connu, pensa la grand-mère.
Elle laissa coula son regard vers sa petite-fille, âgée de seize ans. Elle avait gardé sa peau mate et ses grands yeux bruns, mais ses boucles brunes tenaient moins en place depuis qu'elle gardait ses cheveux longs. La jeune fille lisait assise dans un fauteuil. Ysiah Naho se félicitait bien d'une chose malgré ce malheur : il n'atteignait pas Lia. Elle parlait de ses parents comme des images lointaines, consciente du drame mais spectatrice. "C'est comme ça et pas autrement, et moi, je suis ravie que ce soit toi qui m'ai élevée". Lia disait cela en haussant les épaules dès que le sujet d'Antole et Naéda faisait surface. Et cela rassurait la vieille dame, non sans attiser son chagrin.
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Les Terres Perdues
Fantasy- Lia ? La petite fille de 2 ans, agrippée aux bras de sa grand-mère, se tourna vers celle ci. - Salut tes parents, mon ange. L'enfant leva sa petite main à contre cœur, et l'agita en l'air. Ses parents, dans l'immense bateau, lui adressaient de g...