Chapitre 1 (N)

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Au départ, toute cette histoire n'était qu'un défi entre amis alcoolisés.

On fêtait l'anniversaire de l'un de mes amis lorsque l'un de nous a eu l'idée de faire une action ou une vérité. Lorsque c'est tombé sur moi, j'ai été mise au défi de répondre à la dernière annonce de travail que j'avais consultée, à savoir une annonce pour être secrétaire au Palais de Buckingham. Rien que ça.

Je n'avais pas eu de réponse, mais vue la maigreur de mon CV, ça ne m'avait pas vraiment étonné.

Deux mois plus tard, pendant que je range la marchandise dans le supermarché où je travaille, je sens mon téléphone vibrer contre mon ventre. Je ne suis pas censé l'avoir, mais j'attends tellement de réponses pour des entretiens d'embauche que je le glisse dans la poche de ma veste de travail.

Je le sors discrètement et vois qu'un numéro inconnu essaie de me joindre. Je vais dans le vestiaire pour ne pas avoir de problème et décroche.

– Allô ?

– Mademoiselle Maslow ?

– Oui ?

– Enchanté, je suis Margaret Telemann, chargée de recrutement. Je vous appelle à la suite de votre candidature. Je sais que je réponds assez tardivement à votre e-mail, mais seriez-vous toujours disponible pour un entretien ?

Je me retiens de hurler, tellement cet appel est un soulagement pour moi.

Après avoir été diplômé, j'ai directement été engagé dans l'entreprise qui m'avait prise comme stagiaire pendant mes études. Malheureusement, elle a lancé une vague de licenciement économique quelques mois plus tard, me laissant sans emploi en un rien de temps. Depuis, j'enchaine les petits boulots, continuant de déposer ma candidature dès qu'une nouvelle annonce apparait sur n'importe quelle application de recrutement.

Je réponds calmement à mon interlocutrice et nous convenons d'un rendez-vous pour le lendemain.

– Parfait, je vous ai envoyé par e-mail les informations pour accéder au bâtiment et je laisserais votre nom aux agents de sécurité. Bonne journée, Mademoiselle Maslow.

**

– Mais c'est fantastique, ma chérie, me dit ma mère lorsque je lui apprends la nouvelle.

Je coince mon téléphone entre mon oreille et mon épaule pour pouvoir fouiller dans le tas de papiers éparpillé sur mon lit.

– Et pour quelle entreprise c'est ?

Ah.

– Nelly ?

– J'ai oublié de demander, je réponds honteusement.

– Quoi ? Mais enfin, ma chérie, comment tu as pu oublier une chose aussi primordiale !

– J'en sais rien ! J'étais tellement contente que ça ne m'est pas venu à l'esprit !

– Tu as l'adresse au moins ?

Je reprends d'une main mon téléphone et me lève du lit pour rejoindre la table à manger où repose mon ordinateur. Bon, sept pas séparent les deux meubles étant donné que je vis dans un minuscule studio et la table me sert aussi de bureau, mais c'est le seul que je peux me payer sans avoir à demander de l'argent à mes parents.

J'ouvre rapidement mes e-mails pour trouver celui que Margaret m'a envoyé après notre appel.

– Je n'y crois pas, je murmure en l'ouvrant.

– Nanerl ? demande ma mère à l'autre bout du fils.

– Je n'y crois pas !

L'entête du palais de Buckingham apparaît en gros dans le mail.

– J'ai rendez-vous avec Margaret Telemann, chargée de recrutement pour la Maison royale, je lis à ma mère.

– LA MAISON ROYAL ?

J'entends ses talons taper contre du parquet, signe qu'elle est dans le salon de notre maison. Les voix de mon père et de mon petit frère me parviennent à travers l'appareil, lui demandant gentiment de bouger de devant la télé où elle a surement dû se planter pour qu'ils l'écoutent.

– Nanerl a un rendez-vous au Palais de Buckingham, dit-elle à l'attention de la partie présente de ma famille.

– Pas vraiment, d'après l'e-mail, c'est à Kensington, je lui dis sans qu'elle ne m'écoute.

– Enlève-toi de devant, j'entends mon frère répondre, on rate le match là.

Je les entends tous les trois se disputer avant qu'on ne me raccroche au nez. Ma mère, cette femme douce et attentionnée qui change de priorité quand il s'agit de gueuler sur l'un de ses enfants et si elle peut mettre son mari dans le lot, alors c'est le ticket gagnant.

**

L'inconvénient quand on vit loin du centre-ville, c'est qu'on passe beaucoup de temps dans les transports en commun, à savoir une heure en bus et en métro.

Je profite de ce temps pour effectuer quelques recherches de dernières minutes sur la famille royale. Je suis britannique et fière de l'être, mais la vie monarchique ne m'a jamais vraiment intéressée.

J'ouvre donc mon Safari et tape Famille britannique dans la barre de recherche. Je tombe directement sur des articles au sujet de la mort récente de notre Reine, dont je consulte la page Wikipédia. Je regarde ses centres d'intérêts, les combats où elle avait une implication personnelle, mais aussi sa vie de famille avec ses deux enfants, dont l'ainé devrait bientôt être couronné.

Lorsque j'arrive enfin à mon arrêt, je slalome difficilement entre les passagers pour pouvoir sortir du wagon avant que les portes ne se referment. Je me hâte pour ne pas être en retard et passe de dix minutes de marches me séparant du palais à cinq.

Je passe souvent devant l'entrée des touristes lorsque je me promène à Hyde Park, mais c'est à l'arrière du bâtiment que je dois me présenter aujourd'hui.

Trois agents de sécurité gardent la porte, me demandant mon identité lorsque je me présente à eux, fouillant mon sac et me passant au détecteur de métaux.

L'un d'eux parle dans son Talkie-Walkie, me demandant de le suivre à l'intérieur. Nous arrivons dans un grand hall où on me fait patienter.

– Madame Telemann ne va pas tarder, me dit l'agent de sécurité avant de se poster dans un coin.

J'avais déjà visité cet endroit, les parties accessibles au public du moins, et je m'étais demandé si le reste du château était aussi somptueux. À la vue du grand escalier orné d'un tapis rouge et du lustre magnifique au-dessus de ma tête, la réponse est oui.

J'entends des grésillements derrière moi, provenant du Talkie de l'agent, et je tends l'oreille discrètement.

– Des nouvelles ? demande une voix dans l'appareil.

– Non, il n'est pas encore réapparu, Anderson est parti à sa recherche, répond l'homme en sortant de la pièce.

Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'ils viennent de se dire qu'une femme apparait en haut de l'escalier.

– Mademoiselle Maslow ? Je suis Margaret Telemann, veuillez excuser mon retard et bienvenue au palais de Kensington.

The PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant