Je pris la tête du groupe et le dirigea selon mes souvenirs et mon sens de l'orientation assez bien développé vers l'épicerie tout proche de notre lycée. Elle appartenait au commerçant le plus gentil que je connaissais, Momo; un algérien cinquantenaire. Avait-il survécu ? Je ne pensais pas à la vue de la ruine qui se présentait devant nous. Arrivé au commerce supposé, nous grimpions sur le tas de gravats marquant sa position. Nous observions intensément les débris.
Vanessa appela tout le monde avec un air de triomphe. Elle pointa du doigt une palette de marchandises répandue sur le sol. La plupart des colis avait explosé dégueulant les denrées que nous avions besoins. Nous avions rassemblé un tas de boite de conserve. Je remerciai l'ingéniosité humaine de ces dernières années et d'avoir associé aux conserves des ouvertures comme sur les canettes de soda. Il y a quelques années, nous aurions eu toutes les difficultés du monde à ouvrir ces boites sans l'outil adéquat. J'étais curieux de connaitre le nom de ce génial inventeur. La seconde d'après, je me demandai pourquoi j'avais ce genre de réflexion dans ce contexte dramatique. Peut-être parce que la vie reprenait son cour, tout simplement. Nous ingurgitions un cassoulet froid chacun. Finalement les haricots blancs et les saucisses froides n'étaient pas si mauvais. Dans notre état, cela nous paraissait délicieux. C'était le premier plaisir que l'on avait depuis l'apocalypse. C'était presque jouissif.
Les filles qui auparavant portaient une grande importance sur leur apparence, ne prêtaient même pas attention à la sauce qui bavait de leurs lèvres sur leurs joues et aux éclaboussures de gras sur leurs vêtements. Après la conclusion de nos plats respectifs, nous nous accordions un moment de digestion, étendu face aux premiers rayons du soleil matinal comme si ce petit interlude magnifique ne se reproduirait pas de sitôt.
" Bon ! Commençons le programme de la journée, m'exclamai-je. J'ai étudié un circuit cette nuit et n'y voyez aucun égoïsme, mais il commence par chez moi.
— C'est vrai ça ! tu habites à moins de deux cents mètres d'ici et tu n'as pas eu envie de te rendre à ton domicile ? Intervint Fred.
— Je pense que j'ai eu peur de m'y rendre sans vous avoir pour supporter la douleur de ce que je pourrais découvrir sur place.
Syvanna s'approcha de moi et me pris la main. Son regard pénétra dans le mien.
"Nous serons tous là pour te consoler. Et nous allons nous soutenir les uns les autres ! Allons-y !
Nous approchions de chez moi. Nous contournions une montagne de pierres et de bardage qui devait être l'immeuble en vis-à-vis. Celui qui je voyais tous les matins en regardant par ma fenêtre du cinquième étage. J'eu la surprise de découvrir que mon immeuble ne s'était pas complètement effondré comme la plupart des tours de la ville. L'immeuble qui nous masquait avait surement fait office de bouclier face à l'onde de choc. Mon bâtiment était crevé sur toute la façade. Nous pouvions voir l'intérieur des appartements dévastés comme un chirurgien sur un squelette. Sans son manteau extérieur, j'éprouvai beaucoup de difficulté à repérer ma chambre. J'étais obligé de compter les cases sur la hauteur (pour les étages) et sur la largeur (pour l'appartement) pour enfin observer ce qui restait de ma chambre. Personne. Il n'y avait bien sur personne chez moi à l'heure de la catastrophe. Mes parents étaient au travail. Qu'est-ce que j'espérai ? Que ma mère soit soudainement revenue de son travail pour un arrêt maladie ? Non, ma mère ne posait jamais de jour de congé imprévu ni d'arrêt maladie. Elle préférait faire son job à moitié morte aux remarques éventuelles que pourrait lui faire son patron.
" Désolé !
— Pourquoi ? Demanda Vanessa.
— Désolé de vous avoir traîné jusqu'ici ! je savais pertinemment qu'il n'y aurait personne chez moi.
— Tu n'as pas à être désolé ! tu as juste eu de l'espoir !
Soudain un miaulement aigu attira notre attention. Une petite tête poilue surplombée de deux oreilles triangulaires dépassait de l'encadrement de la porte de ma chambre. Son museau piochait dans le vide à la recherche d'un moyen pour descendre du cinquième étage.
"Mushuu ! Hurlai-je. C'est mon chat.
— Oh ! il a l'air mignon. Mais il est coincé là-haut.
— Je vais le chercher !
— Et tu vas utiliser tes pouvoirs de Spider-Man pour grimper là-haut ? ironisa Karl.
— Par la corniche là ! et puis je ne peux pas le laisser ! m'énervai-je.
— Mais tu ne vas pas te tuer pour un chat !
— Tais-toi ou...
Un grondement gras de la structure de l'immeuble parvint à nos oreilles et à nos pieds par sa vibration. Ce bruit inquiétant coupa net la dispute. Comme le grouillement d'un estomac affamé, un second se propagea et je cru voir le bâtiment ciller.
" Qu'est ce qui se passe ? S'inquiéta Cindy.
— Ton immeuble bouge Micaël, fit remarquer Romain.
— J'ai bien peur que...
— Il va s'écrouler ! hurla Karl.
— Il faut s'éloigner et se mettre à l'abri ! cria Chris.
Le groupe paniqué commença à se disperser et à prendre de la distance avec la tour branlante.
Seul, je restai les yeux rivés sur mon petit compagnon de poils qui miaulait de peur, agitant sa patte dans le vide comme pour agripper mon bras à distance. Tout le monde avait pleuré jusqu'à présent depuis le cataclysme sauf moi. La mort de million d'humains, de ma famille probablement n'avaient pas mouillé mes joues de mes larmes. Mais ce petit lien encore vivace qui me raccrochait à ma vie d'avant fit craquer le réservoir de ma tristesse en un geyser de liquide oculaire. Mes jambes flanchèrent pour percuter le sol grondant sur les genoux. Quel ridicule moment de ma vie ! Sombrer dans le désespoir à cause d'un vulgaire animal.
Fred brisa ma torpeur et me tira du sol par le col.
— C'est fini Micaël ! Faut se planquer ! Regarde nos amis derrière ! tu nous as tous sauvé ! Ils te doivent la vie et tu ne pourras le faire pour tout le monde ! Viens te protéger avec moi.
J'acquiesçai d'un signe tremblant de la tête.
Soudain, un bloc de béton s'écrasa à quelques mètres de nous. Cela précipita notre fuite et l'écroulement du bâtiment.
Le dernier étage sombra sur le niveau inférieur et celui-ci encore sur le niveau inférieur et la chute s'accéléra masquée par une tempête de poussières de gravats, de plâtre et de béton.
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Chaos³
Science FictionQuand un petit groupe de lycéens se prend en pleine face l'apocalypse. Quand leur petite vie commune est dévastée par le souffle de la mort. Quelle est la nature de la fin du monde ; une catastrophe naturelle, une attaque nucléaire, une invasion ext...