(Dis)order (A Never Let Me Go Fanfiction) (Bilingual Book)

Chapitre 1 - Tempête

Assis en tailleur sur son grand lit, Nueng rajusta son casque sur ses oreilles et, après avoir sélectionné un de ses airs de musique classiques favoris, parmi les plus épiques, mit le volume à fond et ferma les yeux pour s'immerger totalement dans ce petit monde qu'il s'était construit à l'abri du plus grand, beaucoup moins attrayant à ses yeux.

C'était sa manière à lui de s'évader, de fuir aussi, peut-être, la réalité à laquelle il faisait face et qui devenait de plus en plus difficile à affronter jour après jour. Depuis que son père était parti pour toujours, tout était différent. Tout s'était compliqué, à l'école pour commencer. Lui qui avait déjà du mal à se faire une place parmi ses camarades de par son statut privilégié était désormais traité avec mépris à la moindre occasion. Non pas qu'il cherchait à se faire des amis parmi ces gens qui avaient passé leur temps à l'ignorer ou, au mieux, à leur jeter des regards dédaigneux, mais ce garçon silencieux et calme avait espéré au moins bénéficier d'un peu de répit en dehors de la maison. Parlons-en, de la maison. Là-bas, qu'il ouvre ou non la bouche, l'atmosphère était également déplorable. Il en voulait à sa mère, qui le traitait sans cesse comme s'il était encore un enfant. Un enfant qu'elle ne pensait qu'à une chose : tenir à distance. Il ne savait pas trop de quoi, d'un peu de tout, probablement, mais au lieu de le mettre à l'aise, cette situation finissait par lui peser, grandement. Surtout depuis ce fameux jour.

Depuis ce jour fatidique, où un certain jeune homme était entré dans sa vie, et n'en était plus jamais ressorti.

Ce jour où sa mère avait pris l'initiative d'engager, et d'héberger, quelqu'un pour veiller sur lui en permanence, le fils de leur majordome, Chanon, un jeune de son âge répondant au nom de Palm. Et le moins que l'on pouvait dire, c'était que celui-ci avait un profil atypique, pour un garde du corps. Ayant grandi loin de l'agitation de la ville, il travaillait jusque-là sur un bateau de pêche. Autant dire que quand sa mère eut l'idée lumineuse de mettre dans ces pattes ce type débarqué de nulle part, Nueng avait été plutôt bousculé dans ses habitudes. Il n'aurait pas cru que cela impacterait autant son humeur.

Pourtant, il n'avait, a priori, aucune raison de se plaindre de Palm. Au contraire. Derrière ses apparences discrètes, finalement, il était doté de capacités physiques indéniables et avait démontré à plusieurs reprises qu'il était tout à fait capable de se défendre. Et de défendre Nueng, par la même occasion. Mieux que lui-même. Il répondait présent quand Nueng avait besoin d'aide, et savait se faire oublier quand son maitre le lui demandait. Enfin... en théorie.

Car dès qu'il voyait Palm, en réalité, Nueng se sentait tendu. Extrêmement tendu. Et si jamais un contact prolongé s'établissait entre eux, alors, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de devenir désagréable, voire agressif. Comme si parler plus fort, jusqu'à couvrir les battements anarchiques de son coeur dans sa poitrine, allait l'aider à se sentir mieux. À ignorer, aussi, ce qui semblait naitre en lui à chaque fois que Palm était là. Et qui ne faisait que s'accroître. À l'image de ce gars-là. L'ancien pêcheur avait beau être effacé, et peu bavard, il prenait beaucoup de place. Trop de place.

La musique redoubla d'intensité dans les oreilles de Nueng, en même temps que la frustration montait en lui. Depuis tout petit, il avait l'habitude qu'on le surveille, qu'on lui dicte ce qu'il devait faire, qu'on se montre intraitable envers lui.

Mais voilà, jusque-là, ce n'était pas Palm qui occupait ce rôle.

Avec lui, c'était une autre histoire. Ça n'avait plus rien à voir.

C'était difficile. Ce sentiment constant de recherche de l'autre... et de rejet.

Le coeur de Nueng commençait à s'agiter alors que des pensées qu'il cherchait à faire taire se matérialisaient petit à petit dans sa tête.

Oui, il appréciait la compagnie de Palm, au fond. Quoi qu'il pouvait en dire. Et même un peu trop.

C'était ça, le coeur du problème. Et il n'avait jusqu'à présent pas trouvé le moyen de le résoudre.

Perdu dans sa contemplation des murs tapissés de sa chambre, Nueng releva brusquement la tête en entendant un bruit en provenance de la pièce d'à côté. Il abaissa son casque pour écouter plus attentivement et s'assurer que c'était bien ce qu'il avait cru.

Et quand il perçut une insulte à moitié étouffée dans la chambre attenante, il leva les yeux au ciel, se sentant déjà au bout du rouleau, alors même qu'il n'avait pas encore bougé le petit doigt. Mais cela n'allait pas tarder. Cela ne tarda pas.

Il fallait toujours qu'il satisfasse sa curiosité quand il s'agissait de « lui ». Et cela l'agaçait profondément.

Nonchalamment, il étendit une jambe et posa un pied au sol, rejoint rapidement par un second, enfila ses pantoufles, et ouvrit la porte de sa chambre pour se rendre dans celle, voisine, occupée par un invité, au départ temporaire, qui était en passe de devenir permanent.

Ce qui s'avérait être une aussi bonne que mauvaise nouvelle pour le propriétaire des lieux.

= 30.12.2022 =