Prologue

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Mai 2019,

"N'oublie pas que je t'attend, et n'attends pas que je t'oublie."

Quand elle s'est présentée à l'accueil du commissariat de police il y a deux mois, l'homme en tenue bleue lui a demandé quel était l'objet de la plainte qu'elle venait déposer. Elle lui a répondu le mot harcèlement, il l'a inscrit sur sa liste et leur a demandé à elle et sa mère de patienter dans la salle d'attente. Elles étaient assises proches de son bureau, beaucoup de monde attendait leur tour pour faire la même chose qu'elle. Elle observait les autres et se demandait lesquels d'entre eux se trouvaient là pour une plainte vraiment grave et sérieuse. Non pas que certains étaient sans doute là pour pas grand chose, mais elle ne se sentait pas légitime de venir porter plainte. Une victime ? Moi ? Est ce que ce n'était pas plutôt de ma faute ? Maman, on s'en va ?

Mais elle devait le faire. Sa situation était devenue insupportable.

La dame assise à côté d'elle discutait vivement avec la personne qui l'accompagnait, on n'entendait qu'elle. Quelqu'un avait brûlé sa voiture. C'est plutôt grave ça non ? Les dégâts matériels sont une preuve irréfutable qu'il s'est passé quelque chose. Elle n'avait aucune preuve matérielle. Maman on s'en va, ils ne me croiront peut-être même pas..

Après plusieurs heures d'attente et de torture mentale pour elle, un policier est arrivé à côté du bureau d'accueil et a demandé à son collègue la liste des prochaines plaintes.

- "Harcèlement ? demanda-t-il avec le regard agacé de celui qui a juste envie de rentrer chez lui parce qu'il enchaîne les plaintes futiles depuis des heures, qu'est ce que ça va être encore ?"

Son collègue lui a répondu avec un regard fatigué. Elle a senti ses larmes monter. Elle était beaucoup trop vulnérable et sensible pour s'asseoir devant un policier aussi agacé et lui raconter sa pauvre histoire. Il ne me prendra jamais au sérieux.

"Madame Nécendre."

C'est à moi. Elle ne pouvait plus s'enfuir. Sa mère l'a accompagnée jusque dans un petit bureau, elle a dit qu'elle acceptait qu'elle soit présente. Le flic s'est assis en face d'elle, a placé son ordinateur plus loin sur sa gauche, et a pris dans un geste désinvolte un bloc de post-it. Un bloc de post-it, ça paraît insignifiant, mais elle entend encore la façon dont il a dit, stylo en main :

- "Alors, qu'est ce que vous entendez par harcèlement ?".

Il était déjà prêt à lui dire que ce n'était pas du harcèlement, qu'elle devait rentrer chez elle pleurer un bon coup et arrêter de faire des histoires pour des conneries.

Elle a pris une espèce d'inspiration mentale et elle a commencé à débiter. Les mots sortaient les uns après les autres sans qu'elle réfléchisse, l'enchaînement de ses phrases n'avait pas forcément de sens. Mais contre toute attente, quand elle eut terminé le résumé maladroit des deux derniers mois de sa vie, et qu'elle s'est rendue compte qu'elle pleurait à chaudes larmes tout en parlant, il a posé son stylo avec lequel il avait juste eu le temps d'inscrire "harcèlement", et il a dit :

- "Ok, on peut parler de harcèlement en effet, vous allez tout reprendre depuis le début et dans le détail."

Il a poussé son bloc de post-it avec la même désinvolture que quand il l'a pris, et à la place il a placé son ordinateur devant lui, prêt à l'aider. Il me prend au sérieux, je suis bien une victime.

Elle a détesté ce policier dès l'instant où elle l'a vu jusqu'à ce moment. C'est grâce à lui qu'elle a compris que non, elle ne faisait pas d'histoires pour des conneries, et que oui, elle était bien victime de harcèlement.

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⏰ Last updated: Jan 06, 2023 ⏰

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