Une vie dans leurs peaux

II. Le collège

           Point de vue: Astree

     J'arrive sur le campus avec de l'avance. Un groupe de sixièmes fait du tapage devant le portail. J'enlève mon casque et éteins mon téléphone avant de sortir mon carnet pour signifier aux surveillants que je fais bien parti de l'établissement. Je soupire en me dirigeant vers le bâtiment principal pour patienter avant le premier cours. Encore une journée dans cette prison. Je n'ai pas le temps de passer la porte que déjà un groupe d'élèves se dirige vers moi et m'arrête. Ils sont dans ma classe, un groupe mixte avec comme leader le couple le plus populaire du collège, Jules et Jeanne. J&J. Ces derniers, bras dessus bras dessous, ouvrent la bouche:
 «- Alors la baka, on veut faire la fayote en arrivant la première ?
- Mais non ! Elle veut réviser pour réussir son exposé !
- Bahahah, comme si elle était capable de réussir quoi que ce soit ! Regarde son frère !»
Éclat de rire général. Je garde un regard neutre tout en brisant le mur qu'ils forment, comme si ça ne m'atteignait pas. Mais au fil des mois, ils ont appris où taper pour faire mal, et aujourd'hui ils ne cherchent même pas à faire durer. J'ai envie de pleurer quand la cloche sonne. Le prof arrive et je rejoins ma place en classe, au fond près de la vitre.

          Point de vue: Omniscient 

     Le professeur commence son cours par l'appel. Déjà apathiques, la majorité de la classe somnole, sauf Jules qui s'amuse à balancer des papiers sur Astree. Couverts de messages dégradant, la jeune fille ne les ouvre pas et se contente de les entasser à côté d'elle. Elle les jettera à la fin du cours.
     Annonçant les passages des exposés, et n'ayant aucun volontaire, il pointe Astree du doigt en lui disant d'ouvrir le bal avec le sien, sur l'anxiété et la dépression chez les élèves dans le système scolaire de France. Tremblante, elle sort une feuille de son cahier, prend sa clé USB dans sa trousse et se dirige vers le tableau sous les regards de jugement de la classe, les rires de J&J, et la froideur de son professeur. Elle inspire, branche sa clé au PC, expire et ouvre le dossier "Cours". Rire de la classe à la vue d'un dossier nommé "Thérapie d'écriture", mais elle ne saisit pas et poursuit. Nouvelle inspiration, ouverture de son diaporama, nouvelle expiration et elle lance la première page. Encore une inspiration et elle se lance:
     « - Dans notre société, au sein de l'école... (frissonnement de peur, bruissement de feuille) ...les adolescents et jeunes adultes, entre 13 et 25 ans, sont sujets à des maladies psychologiques... (éclat de rire général) ...telles que la dépression et l'anxiété généralisée. En effet... »
     À cet instant, une boulette de papier vient la frapper au visage. La jeune fille tremble, sa voix se brise, mais elle continue, jusqu'à ce qu'une autre boulette entre dans sa bouche, et que Jules crie un “Poooooooof” sous les applaudissement admiratifs du reste des élèves. Alors qu'Astree s'effondre en larmes sur le sol, le professeur lui ordonne de se relever, récupérer ses affaires et retourner à sa place.
     « - Tu auras un zéro pour ne pas avoir terminé ton exposé. » ajoute-t-il. « SILENCE »
     Sous ces mots, le cours reprend, Astree pleurant tête dans ses bras.