Chapitre 1 : La cérémonie de l'Équilibre

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L'endroit était beau, l'air était doux, la musique enivrante et l'encens planait dans air avec volupté, mais Tashara s'emmerdait quand même.

Elle fermait les yeux dans un faux air de concentration, laissant allégrement divaguer son esprit d'idée en idée. Elle jouait aussi avec sa ceinture en lin tressée sur laquelle elle avait ajouté un petit accessoire dorée Une babiole certes, mais dont le léger cliquetis lui servait de métronome pendant ces longues journées perdues de méditation. Un coup de vent sifflant, un claquement sec et Tashara sursauta, se frottant l'épaule. La matriarche la dévisageait d'un œil sévère. En silence, elle pointa la porte du doigt et la jeune fille se leva, endolorie par ses longues heures d'immobilité. Elle s'étira et la matriarche la frappa de nouveau de la baguette en noisetier pour ça, flagellant les mollets d'un coup vif qui arracha un petit cri à son élève. Les deux femmes s'échangèrent un regard plein de mépris et Tashara se décida enfin à sortir de la salle, zigzaguant entre les autres élèves qui méditaient. Elle n'oublia pas de claquer la lourde porte en partant, ennuyant apprentis et initiés qui méditaient encore.

Les couloirs en marbres de l'Académie Impériale de Magie avaient toujours eu ce mélange de beauté et de solennité austères qui juraient avec la salle de méditation, où l'on laissait la nature faire la loi avec une douceur ferme. Tashara se tourna de nouveau et jeta un dernier regard par la serrure à la salle qu'elle venait de quitter et où trônait un arbre central centenaire. Quel gâchis de devoir fermer les yeux et prier devant un si beau spectacle... On ne pouvait entrer dans la salle de méditation les yeux ouverts qu'après la cérémonie d'adoubement, où les apprentis devenaient enfin des mages accomplis après dix longues années de pensionnat à l'Académie. Encore trois années à tirer... La jeune fille soupira et observa de nouveau à l'intérieur de la salle. Pour être honnête, ce n'était pas la première fois qu'elle ouvrait les yeux dans la salle et l'idée de devoir se plier à une tradition stupide l'ennuyait, mais ce qui la poussait à continuer de braver les interdits, c'était surtout le délicieux spectacle qui se déroulait devant elle à chaque fois.

Au centre de la salle de méditation, les anciens avaient planté il y a des siècles de cela un arbre, devenu immense depuis le temps. Ses feuilles, imbibées d'une magie primitive, luisaient faiblement dans l'obscurité de l'endroit diffusant à peine assez de lumière pour pouvoir circuler sans tâtonner. Tout autour, de vieux pavés de pierre avaient été posés là, depuis l'origine sans doute, et se soulevaient désormais par endroit, poussés par les racines d'un arbre immensément plus grand qu'il n'était au départ. Des fleurs, minuscules et timides, avaient profité de cette lutte silencieuse entre pierre et écorce pour s'immiscer dans les failles formées ici et là, ajoutant un peu de douceur à ce chaos muet. Une erreur ne venant jamais seule, on avait choisi de construire une sorte de Colisée fermé autour du même arbre, ne lui laissant pour toute lumière qu'un puits descendant du plafond jusqu'à son extrême cime. Enfin, entre les racines, au plus proche du tronc, on avait érigé une statue de la déesse Soïrim, enveloppée dans son voile, tournant le dos au monde pour faire face à l'arbre.

On faisait entrer les apprentis dans la salle de méditation à partir de la cinquième année, dans le but de les faire méditer du petit déjeuner au repas du midi. D'aucuns auraient bien fait remarquer qu'ils auraient mieux fait d'apprendre les rudiments de la magie sur ces heures là, mais deux coups de baguette de noisetier suffisaient pour aujourd'hui. Les mages instructeurs installaient les élèves devant l'autel de Soïrim, tandis que les mages confirmés et les visiteurs pouvaient faire de même aux étages supérieurs du Colisée. Une fois tout le monde assis, les instructeurs se retiraient et ne restaient plus que la matriarche et sa fichue baguette en bois. Tashara se massa l'épaule, et soupira. Vivement qu'elle en finisse avec ces bêtises. Elle se redressa et soupira encore.

Les Chroniques de SoïrimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant