La présence d'esprit (suite)

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La vie poursuivait son cours, monotone et insaisissable. Le temps passait inexorablement autour de mon activité professionnelle. Les semaines s'enchaînaient puis en somme les années défilaient sans que j'aie d'autres objectifs que celui de solder positivement mes comptes à la fin du mois. Une fois les factures payés, l'éternel recommencement opérait et me fixait cet objectif à court terme qui finalement me faisait occulter un sens à ma vie, plus profond et plus épanouissant.

C'était le mot "épanouissant" ! J'étais amer et je ne parvenais pas à trouver au fond de moi, une once d'idée qui me ramène vers quelques satisfactions personnelles. Il m'arrivait bien parfois de sortir quelques bières avec mon voisin, un pitre, marié avec deux enfants qui aimait bien se détendre tant il était stressé par son travail et le souci d'être là pour ses enfants. Mais après ces soirées, je m'effondrais dans un sommeil profond et sans rêves.

Je menais donc une existence bien futile jusqu'au jour où un chauffard emboutit mon véhicule et je fus littéralement mis en boîte, prisonnier de la tôle de mon propre véhicule. Il a fallu me désincarcérer. Le choc fut extrêmement brutal et j'entrevis pour la première fois la brièveté de ma vie. Qu'avais-je fait jusqu'alors ?

J'en étais là jusqu'au jour où je me rappelai de Sonia et depuis sa confession dont j'aurais bien eu du mal à la qualifier tant elle m'avait marqué, il m'arrivait de penser à elle et à son histoire incroyable. J'avais bien essayé de l'appeler mais sans succès, elle ne me répondait pas. Dans la morne existence que je menais, je décidai un soir de me rendre à son foyer. La maison était à la sortie de la ville, juste avant une bretelle qui menait à la Nationale.

La maison avait dû être une belle demeure jusqu'à ce qu'ils amènent la voie rapide derrière son domicile. Son jardin était en proie aux nuisances sonores des automobilistes. Des bruissements même dans la nuit qui prenaient de l'intensité et devenaient des déchirements rageurs. La maison aurait bien eu besoin d'un ravalement de façade, le crépi grisonnait autour de la porte principale qui se tenait au-dessus d'un marche pied, au milieu de la bâtisse. Une fenêtre de chaque côté de l'entrée avec des volets clos, dont la peinture pelait comme des écailles qui ressortaient. L'une pour la cuisine qui donnait sur le séjour, côté gauche et l'autre à droite qui donnait sur un vestiaire avec des toilettes attenant. L'escalier donnait sur trois pièces. J'avais trouvé étrange que Sonia vive seule dans une maison aussi grande, cela témoignait sûrement de son ambition d'avoir des enfants mais je me rappelais qu'elle m'avait dit qu'elle ne pourrait plus en avoir.

La nuit où je lui rendis visite, les volets étaient fermés et pas une lumière ne brillait. Je me résignais à sonner parce que je me disais que je n'aurais pas fait la route pour rien mais je ne m'attendais pas à ce que la porte s'ouvre. Je me tenais derrière le portail en fer forgé et j'inspectais l'état de délabrement du jardin. Quelques arbres dénudés survivaient à l'ombre de la maison et semblaient chétifs. Les branches se dressaient haut sur des troncs rachitiques, comme si les feuilles peinaient à trouver la lumière. A cette saison, les feuilles étaient tombées, quelques fleurs sauvages éparpillés étaient rabougries, comme des pousses maladives.

Soudain la porte s'entrouvrit et je vis Sonia me jeter un regard qui me fit froid dans le dos.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu oses venir chez moi ! Dégage !

J'étais stupéfait tout simplement, je n'ai pas su prononcer autre chose que des questions qui montraient mon étonnement.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Terreurs nocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant