Deuil

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Lo'ak était resté de longues minutes à fixer la mer comme si son frère allait miraculeusement surgir et rentrer à la maison avec lui. Il entendait à peine le son des vagues s'écrasant sur la plage, ni le vent qui se levait doucement, ni les villageois rentrant chez eux après les funérailles.

Son père était venu le trouver et avait posé une main sur son épaule.

- Fils. Aller vient, il faut rentrer.

Lo'ak ne répondit pas, mais avait baissé la tête, fixant dorénavant ses pieds. S'il partait, il avait le sentiment qu'il abandonnerait Neteyam définitivement. Son père tira un peu sur son épaule pour l'obliger à se retourner et le prit dans ses bras. Ils s'efforçaient tous les deux de ne pas pleurer, de tenter de rester forts pour les autres.

Son père se recula, passa un bras derrière son dos et l'obligea à marcher. Lo'ak jeta un dernier regard triste à la mer et suivit son père, le pas mollasson.

En arrivant dans leur cabane, il se dirigea sur sa natte et resta là un moment à fixer le sol devant lui, ses genoux entre ses bras. Tuk pleurait encore dans les bras de leur mère, mère qui avait les yeux brillants. Elle aussi faisait en sorte d'être forte malgré la situation. Kiri s'était allongée sur sa natte et tournait le dos aux autres, mais elle ne dormait clairement pas. Spider lui était clairement mal à l'aise et aimerait faire quelque chose pour arranger la situation, hélas, il n'y avait rien qu'il puisse faire.

La nuit passait très lentement. Ses parents s'étaient couchés avec Tuk entre eux, tentant vainement de se reposer. Lui n'avait pas bougé, il revoyait sans cesse les derniers instants de la vie de son frère en boucle, il revoyait son sang sur ses mains, ses yeux devenant vitreux alors que la vie le quittait. Ensuite, ses funérailles avaient rapidement suivit, trop rapidement. Il revoyait le corps de Neteyam sombrer dans l'eau et être absorbé par Eywa, disparaissant à tout jamais. Il s'allongea et ravala les larmes qui menaçaient de couler.

Il avait à peine dormi une heure, sa mère s'était levée à l'aube et avait tourné en rond dans la cabane un moment avant que son père ne la prenne dans ses bras pour la calmer. Il s'était ensuite tourné vers Tuk pour lui demander ce qu'elle voulait manger et se pencha sur le feu au milieu de leur habitation.

- J'ai pas faim, avait dit Tuk d'une petite voix.

- Tuk...il faut que tu manges quelque chose, intervint leur mère, tout comme vous deux, dit elle en pointant Kiri et Lo'ak du doigt.

- J'ai pas faim non plus, avait dit Kiri.

Lui n'avait même pas répondu. Ses parents s'étaient quand même attelé à la préparation du repas et les avait tous servit. Ils touchèrent à peine à leurs assiettes, Lo'ak se contenta plus de jouer avec son contenu qu'autre chose.

- Lo'ak, mange un peu mon chéri, dit sa mère en lui caressant le bras.
Il se dégagea, murmura un « j'ai pas faim » et alla s'allonger sur sa natte.

Les jours qui suivirent furent relativement similaires, si ce n'est que l'ambiance était vraiment pesante, Kiri et Tuk pleuraient souvent et voir ses parents si tristes mais devoir rester forts étaient vraiment dur. Ils dormaient souvent tous ensemble, dans le vain espoir de chasser un peu la peine. Et surtout, à mesure que le temps passait, ses remords se multipliaient. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que tout était sa faute. S'il n'était pas parti voir Payakan, peut-être que son frère serait encore là. Il ne s'en voulait pas d'avoir sauvé Payakan, mais il aurait dû partir seul. Si Neteyam ne l'avait vu, il ne l'aurait pas suivi et après avoir transmis son message à Payakan il serait revenu auprès de sa famille au complet et personne ne serait en deuil à l'heure qu'il est. S'il n'était pas resté sur le bateau pour retrouver Spider, Neteyam ne serait pas mort. Et ses mains couvertes du sang de son frère le hantaient. Il revoyait sans arrêt ses mains couvertes de sang. Parfois, il en faisait des cauchemars, au point de réveiller sa famille et ses parents venaient le réconforter. Il sortit de ses pensées en entendant râler derrière lui.
Il vit Spider traîner Kiri de force dehors, celle-ci l'insultait un moment, mais se laissa emmener dehors.
- Tu fais chier Spider.

NeteyamurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant