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DERECK
AVRIL 2018

Maman m'a toujours appris à être poli. Ne jamais manquer de respect à personne. Même si quelqu'un nous respecte pas toujours, garder la tête haute et ne pas montrer que nous pouvons être comme eux.

L'homme en face de moi jette ces bars chocolatés dans le visage du caissier, l'insultant parce qu'il l'a pris en train de voler. Celui-ci ne bronche pas, gardant son sérieux et son calme derrière le comptoir.

Après un temps, le voleur s'en va, donnant un violent coup de pied dans la porte battante. Le caissier secoue la tête négativement. Fatigué de voir ce genre de comportement.

Je dépose les œufs et le lait que je suis chargé d'acheter, une mission qui doit bien se dérouler pour que mon père puisse avoir ces crêpes que Daniella, sa collègue de travail va préparer ce soir dans notre maison. Tandis que moi, fils du propriétaire, resterais enfermé dans ma chambre, faisant semblant de ne pas exister le temps d'une soirée. Encore.

Foutu vie de merde.

Le caissier me rend la monnaie et me souhaite une bonne fin de journée. Je lui souris faiblement en le souhaitant à mon tour une bonne soirée, et la porte claque dans mon dos. Des minuscules gouttes de pluie commencent à s'écraser sur mon visage.

Laissant paraître un petit sourire qui disparaît dès qu'une silhouette familière surgit dans mon champ de vision. Ces cheveux noirs coupés à ras, ses yeux blues identiques au miens.

Eden Shelby, mon frère. Il se tient à quelques mètres de moi, un sac sur l'épaule, habillé d'un t-shirt simple, mais contrairement à moi, non troué. On pourrait croire que j'ai affaire à des mites, mais c'est seulement mon père qui brûle mes t-shirts avec ses clopes.

Il ne m'a pas remarqué, trop préoccupé à discuter avec son ami. Celui de son enfance. Je devrais me cacher dans un coin, éviter qu'il m'aperçoive. Il m'a laissé autant que ma mère auprès de notre père, en sachant qu'il était dangereux. Il a surpris sa menace sur les bras de notre mère, mais pour autant, à part des lettres qui ne me sont pas parvenues, il n'a jamais cherché à me sauver.

Je dois prendre une décision avant qu'il ne m'aperçoive. Parce que si mon père apprend que j'ai vu mon frère, j'ai peur des répercussions. J'abats ma casquette sur mes yeux, serre les œufs et le lait contre moi. Je baisse la tête et au moment où je décide de changer de trottoir. Une voix grave tonne dans mon dos, et pensant qu'il s'agit de mon frère, je me retourne naïvement et tombe nez à nez avec Spencer, le meilleur ami de Marc, son bras droit pour m'harceler au lycée.

Il m'attrape à l'arrière de crâne, relevant ma casquette. La briquette de lait glisse de mes bras, explosant sur le trottoir. Il propulse mon corps contre les briques froides et humides de cette maison qui fait face à la superette. Par miracles, les œufs dans mes mains restent intacts.

Ses yeux noirs perçants m'observent avec un sourire narquois, le monde semble s'arrêter quand son visage s'éloigne avec une grimace douloureuse dessus. Son corps musclé est éjecté en arrière et un deuxième le maintient au sol. Je reste paralysé face à cette scène, jamais personne n'est venu m'aider. Et une seconde plus tard, une main s'appuie sur mon épaule et sa voix résonne dans mes souvenirs.

- Vous allez bien ? Me demande mon frère sans me reconnaître

Je secoue la tête de haut en bas, gardant mon visage vers le sol. Je ne sais pas vraiment ce qui me brise le plus le cœur, qu'il ne reconnaisse pas la voix de son propre frère ou que je ne peux pas lui avouer qui je suis réellement.

- Vous êtes sûr ? Vous voulez qu'on appelle les pompiers ou quelqu'un de votre famille pour qu'ils viennent vous chercher ?

- Je n'ai personne, dis-je d'une voix faible.

C'est toi ma famille..

J'aperçois sur sa montre qu'il est passé seize heures, mon père ne va pas être content. Il m'avait donné vingt minutes. Je reste immobile, surtout pas me reconnaître.

Au sol, Spencer est toujours maintenu par le meilleur ami de mon frère, il essaie de se débattre, mais cela ne change rien à sa prise. Eden me demande de lui montrer mon visage pour s'assurer que tout va bien, physiquement que mentalement, mais je refuse toujours le regard sur le sol.

Il n'insiste pas plus, retirant sa main de mon épaule et créant un froid sur celle-ci. Eden attrape Spencer par le col et le remet sur ses pieds sans effort, le menaçant tout bas pour éviter d'affoler les passants.

Eden vient de m'aider sans s'en rendre compte. Il m'a aidé cette fois, mais la précédente, il m'a noyé.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 22 ⏰

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