26. Courir

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Je m'en voulais énormément de m'être laissé submerger par mes émotions et de n'avoir pas été capable de sentir la présence de ces deux individus. J'avais, allez savoir comment, fait abstraction de ce qui n'avait pas été mon père durant de longues minutes en oubliant de rester vigilante malgré mes promesses.

- Oui, je les ai vus, me répondit Noah d'une voix qui se voulait calme.

Il ne tarda pourtant pas à réagir en se tournant vers moi et m'agrippant les épaules, plongea ses yeux dans les miens.

- Emma, écoute-moi bien! Tu vas rebrousser chemin. Je veux que tu coures jusqu'à la voiture sans te retourner.

- Quoi? Non!

J'avais parlé fort, mais il continua cependant comme si je n'avais pas ouvert la bouche.

- Tiens, prends les clés, dit-il en enfonçant sa main dans sa poche et me les tendant. Je resterai en arrière pour être sûr qu'ils ne te suivent pas.

Non ! Je n'étais pas du tout d'accord avec ça, il était hors de question que je parte sans lui ! Paniquée, mon regard passait des clés au visage de Noah.

- Non! Je refuse de te laisser !

J'avais haussé le ton cette fois-ci, mais encore une fois Noah ne s'embla pas m'entendre et poursuivit avec sang-froid.

- Si dans les dix minutes qui succèdent à ton arrivée à la voiture, je ne t'ai pas rejoint, tu pars et tu fonces jusqu'au premier hôtel où nous nous sommes arrêtés. OK? Promets-le-moi Emma!

Il tourna la tête afin de surveiller la progression des deux hommes de l'autre côté de la route, puis me caressa la joue tendrement. J'eus encore envie de hurler que je n'étais pas d'accord avec son plan, mais quelque chose dans son regard me fit penser que tout allait bien se passer et je le crus.

J'avais le cœur déchiré de devoir m'en aller en abandonnant Noah, mais la façon déterminée dont il me regardait ne me laissait aucun autre choix. Je pris donc les clés qu'il me tendait à contrecœur, déposai un baiser léger sur ses lèvres et dans un souffle lui dit les mots qu'il avait besoin d'entendre.

- Promis.

D'un hochement de tête, il me signifia que c'était le moment et sans un regard en arrière je me mis à courir pour rebrousser chemin aussi rapidement que mes jambes le pouvaient.

J'avalai les kilomètres qui me séparaient de la voiture en sentant s'éloigner la présence des dissociés ainsi que, dans le même temps, celle de Noah...

Je ne vis rien ni ne prêtai attention aux passants que je bousculai sur mon passage. La peur avait pris possession de moi. J'avais peur pour moi évidemment. C'était la première fois depuis des semaines que je me retrouvais seule et malgré le fait que je sois dans un lieu connu depuis toujours je me sentais complètement perdue. Mais surtout, j'avais peur pour Noah...

À mon arrivée à la voiture, j'ouvris fébrilement la portière et m'y engouffrai à la hâte, verrouillant les portes derrière moi. Je ne pouvais m'empêcher de regarder les alentours comme un animal traqué, scrutant le visage de chaque individu qui passait tout proche. Je me recroquevillai sur mon siège, m'attendant à tout moment à ce que quelqu'un ouvre la portière à la volée.

Mon regard ne cessait de passer de la vitre à l'horloge du tableau de bord où les minutes paraissaient vouloir s'écouler bien trop rapidement alors que je ne ressentais toujours pas la présence de Noah... Lorsque les dix minutes furent passées, la boule au ventre et les mains tremblantes, je démarrai la voiture et m'engageai dans la circulation. Après plusieurs kilomètres, je prenais la sortie de la ville et roulais en direction de l'hôtel de la veille, me débarrassant au passage de mes habits de camouflage que je n'avais pas encore pris la peine d'enlever.

Ma tête était encombrée par les bruits qui résonnaient tout autour, semblant tous vouloir m'agresser. Je voyais les gens qui évoluaient autour de moi complètement étrangers à ce qui était en train de m'arriver et je me surpris, un instant, à les envier. Je ne pouvais bien entendu pas leur demander de l'aide, je ne pouvais compter que sur moi-même.

Je parcourus les kilomètres de manière machinale avec pour seule idée en tête la stupidité dont j'avais fait preuve en désirant à tout prix faire ce voyage et je me détestais pour cela ! Je pensai à nos amis et au fait que j'aurais tout donné pour qu'ils soient ici et viennent au secours de Noah. Frank aurait certainement su quoi faire. Depuis notre départ, nous avions évité de leur donner des nouvelles, nous savions que nos conversations risquaient d'être entendues de loin et avions convenu de ne pas nous appeler. Et même si en ce moment, j'aurais tout donné pour pouvoir le faire, je m'en abstins pour les mêmes raisons.

À l'hôtel, ce ne fut qu'une formalité de louer une chambre et je fis en sorte de prendre la même que la veille. Dans mon esprit, cela allait faciliter les recherches de Noah quand il me rejoindrait, bien que je savais qu'en sentant sa présence je serais sortie pour l'accueillir. Le réceptionniste ne prit pas garde de l'état de nervosité dans lequel je me trouvais trop absorbé qu'il fût à suivre une émission de télévision sur le poste se trouvant en face de lui. Apparemment, peu lui importait de soigner ou non la relation avec sa clientèle, et c'était tant mieux!

Je m'enfermai dans la pièce et tirai les rideaux. M'asseyant sur le lit tout en gardant mes yeux fixés sur la porte, je commençai à attendre dans la pénombre le retour de Noah. Je n'avais pas la moindre idée de ce qui avait bien pu se passer après mon départ. Je ne savais pas si Noah avait été capturé ni ce qu'ils avaient pu faire de lui si tel était le cas et toutes ces incertitudes me rendait folle d'angoisse. Comment pourrais-je continuer sans lui s'il lui était arrivé quelque chose... je refusais de l'envisager voire même d'y penser...


Tout a changé ce jour là!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant