Chapitre 3

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Victoire nous avait rejoints avec un sourire éclatant sur les lèvres. Pour une raison que je ne m'expliquais pas, elle jeta un regard tout à fait singulier à Viktor qui, à son tour, l'observa d'une façon similaire. Coincée au milieu de cet étrange duel, j'oubliai presque de la saluer.

— Victoire, je te présente Viktor, dis-je après un temps. Nous sommes dans le même cursus.

— Enchantée, répondit-elle d'un ton étrange.

— Victoire assiste au cours de mythologie grecque avec moi, expliquai-je à Viktor.

Il acquiesça sans un mot et le silence enveloppa doucement notre petit groupe. Ce silence était d'autant plus pesant que les rires des autres étudiants retentissaient autour de nous. Victoire l'observait avec une drôle d'intensité. Après quelques instants à se regarder en chiens de faïences, Viktor se redressa.

— Je vais vous laisser déjeuner, annonça-t-il d'une petite voix.

J'en fus si surprise que je n'esquissai pas le moindre geste pour le retenir. Il s'éloigna de nous en quelques secondes, si bien que sa silhouette ne fut bientôt plus qu'un minuscule point noir sur l'horizon.

Alors que je tournai la tête vers Victoire, celle-ci était en train de m'observer. L'un de ses sourcils était si relevé qu'il semblait vouloir se cacher derrière sa tête.

— Quoi ? m'exclamai-je alors.

— Tu n'avais pas mieux dans ton cours ?

Puisque je l'observai avec un étonnement sincère, elle fronça les sourcils et fit mine d'observer ses ongles.

— Tu ne le connais même pas, m'exclamai-je avec surprise.

Dans un geste volontairement théâtral, elle roula des yeux avant de pincer les lèvres. Lorsque ses yeux marron harponnèrent les miens, l'on aurait dit qu'elle s'apprêtait à me faire la leçon. Puis soudain, elle plissa les yeux.

— C'est ton genre ?

— Mon genre ? Je le connais à peine, pouffai-je.

Quelle drôle de fille ! Ses yeux étaient ronds comme des soucoupes. Il y avait assurément quelque chose dans cette conversation qui m'échappait. D'ailleurs, Victoire semblait sur le point d'ouvrir la bouche. Mais, elle n'en fit rien et après un temps, elle me proposa simplement d'aller déjeuner.

Après ça, nous nous séparâmes afin qu'elle rejoigne le cours qu'elle avait l'après-midi. Pour ma part, le reste de ma journée était libre. Si l'idée de me promener au sein du campus était séduisante, celle de rejoindre mon lit l'était plus encore. Très vite, je me retrouvai sur ma couette, des écouteurs dans les oreilles et une vidéo YouTube défilant sur l'écran de mon téléphone. Une histoire criminelle bien gore. J'adorais ça.

Johanne avait cours tout l'après-midi, aussi, ne la retrouvai-je qu'aux alentours de dix-huit heures trente. Elle proposa poliment d'aller manger ensemble et nous partageâmes alors un repas dans un semi-silence. Malgré mon tempérament sociable, il m'était assez difficile d'engager la conversation avec elle. Pour une raison qui m'échappait un peu, elle semblait ériger un mur invisible entre nous. Sous cette amabilité de façade, je peinais à distinguer ce qu'il pouvait bien se trouver.

Le lendemain, je commençai avec un cours d'anglais. Il était presque dix heures et j'attendais déjà devant la petite salle de classe. Comme pour mon cours d'histoire, nous serions assurément une petite vingtaine à y assister. Tandis que je bayais aux corneilles, l'esprit floué par diverses pensées, les étudiants se rassemblaient. Bientôt, une silhouette familière se découpa parmi eux. Sa voix coupa court à mes pensées, bien qu'il fut impossible de le deviner. Mon regard ne dévia pas du mur que j'observais. 

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant