Louve [En pause]

Chapitre 9

Vers 16 heures, le 31 octobre, je me rendis chez Victoire. Dans son joli appartement d'une quarantaine de mètres carré, nous nous préparâmes pour la soirée à venir. Ni Johanne ni moi n'avions réussi à deviner le costume qu'elle m'avait dégoté. Je ne serais pas un signe astrologique, pas plus qu'une princesse d'ailleurs. Non, Victoire avait opté pour une reine particulièrement féroce.

— J'espère que tu aimes Game of Thrones !

Tout sourire, elle me tendit une robe grise, faite de voiles et de drapés, laissant mes bras nus et resserrant significativement ma poitrine. Le tissu était épais, un gage de qualité.

— J'ai aussi les accessoires.

Lentilles de couleur, bracelets à enfiler autour des biceps et autres fantaisies afin de rentrer dans la peau du personnage. Il ne manquait plus qu'un dragon à chevaucher et j'étais prête à conquérir Westeros.

— Merci, le costume est splendide.

— Tes cheveux sont nettement plus dorés que les siens, mais ça fera l'affaire. De toute façon, il fera nuit, ajouta-t-elle en haussant les épaules.

— Et toi, alors ?

Elle se mit à sourire, excitée. Il lui fallut deux ou trois secondes pour faire l'aller-retour de son placard jusque moi et me montrer sa tenue. 

— Catwoman ?

Elle opina du chef, les yeux brillants. Un costume noir, tout en latex, et un masque aux oreilles pointues. Derrière elle, j'aperçus même l'ombre d'un fouet.

— Je ne suis pas certaine que tu sois très effrayante.

— Comme si c'était le but d'Halloween !

Malgré moi, je me mis à rire. Victoire avait au moins le mérite d'être honnête. La peur n'était clairement pas l'émotion qu'elle souhaitait susciter. Elle observait son costume, l'air mutin, et je me demandai si son esprit s'était rapproché du fameux Benji. 

Le mien, alors, se tourna vers Lance. Si je n'y avais pas vraiment songé jusqu'alors, peut-être serait-il également présent. Comme chaque fois, ce genre de pensées provoquaient des sentiments disparates. Une part de moi-même avait sincèrement envie de régler cet étrange conflit pour que nous retrouvions notre relation d'antan. Une autre, en revanche, rechignait à l'affronter. Ses yeux étaient si froids qu'ils me glaçaient les entrailles. 

— Regarde ça.

Pendant que je me perdais dans les méandres de mes pensées, Victoire avait enfilé son costume. Le latex épousait les fines courbes de son corps, valorisant sa poitrine et ses fesses. Elle s'observait dans le miroir, satisfaite.

— Je suis diablement sexy, non ?

Amusée, je hochai la tête.

— Tu vas faire fureur.

— J'ai hâte de voir la tête de Benji, souffla-t-elle.

Je retins un rire.

Tout en discutant de choses et d'autres, nous commençâmes à nous préparer sérieusement. Pour m'assurer plus de crédit, Victoire m'aida à tresser élégamment mes cheveux. Ma coiffure ressemblait à celle du personnage à s'y méprendre ; moi-même, face au miroir, perçus la similitude.

Alors qu'elle se traçait un trait d'eye-liner et que j'enfilais l'un des bracelets qu'elle m'avait confiés, je décidai d'aborder un sujet délicat qui me taraudait un peu. 

— Je n'ai pas trop apprécié les remarques que tu as faites sur Viktor.

Elle cessa de se maquiller et tourna son visage vers moi. Une moue contrite et sincèrement désolée fendit son visage.