Chapitre 11

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Victoire n'avait pas beaucoup bu, mais elle préféra que nous passions la nuit chez Benji. Sa villa était pourvue de nombreuses chambres, aussi, m'isolai-je dans l'une d'elles pour dormir. Victoire avait d'autres plans en tête pour le reste de la nuit, alors elle me laissa seule.

Je m'emmitouflai sous les draps jusqu'à recouvrir ma tête. À l'abri des regards, isolée du reste du monde, j'autorisai quelques larmes à couler sur mes joues. 

Mon téléphone en main, j'écrivis à ma mère.

« La soirée ne s'est pas très bien passée... En fait, c'était affreux. Lance a été odieux. »

J'envoyai le message, puis essuyai mes larmes. Après une profonde inspiration, je m'attaquai à un nouveau message.

« Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse changer à ce point. Le pire, c'est qu'il m'accuse d'être le problème ! J'aimerais ne pas m'en soucier, l'ignorer et achever tranquillement mon année, mais... »

L'écran de mon téléphone illuminait l'espace sombre recouvert par les draps. Silencieuse, les joues humides, j'hésitais. Après un petit reniflement, je continuai d'écrire.

« C'est difficile, parce que je me sens terriblement seule. J'ai de nouveaux amis géniaux, mais je crois qu'au fond de moi, j'avais vraiment envie de le retrouver à lui. Il y a des choses que je ne peux pas partager avec eux. Pas encore, en tout cas. »

Nouvel envoi. Je réfléchis une dizaine de secondes de plus, puis un fin sourire retroussa mes lèvres.

« Ça me fait du bien de t'écrire. Merci, maman. Je t'aime. »

Mon cœur oscillait entre un poids plus léger et un poids autrement plus lourd. Je serrai mon téléphone contre ma poitrine et fermai les yeux dans l'espoir que le sommeil m'emporte. Malheureusement, le silence tonitruant de la chambre réveilla mes angoisses les plus secrètes. 

Je me glissai hors des draps et attrapai ma paire d'écouteurs. Presque sans réfléchir, je lançai une vidéo, mis le son au minimum et calai ma tête sur l'oreiller. Dehors, à travers l'imposante baie vitrée, je pouvais voir les étoiles vacillantes éclairer la nuit. Un rideau noir, parsemé de petites éclaircies, qui couvrait une partie du monde. C'était aussi ce que je ressentais depuis quelques mois ; un voile noir avait obscurci mon esprit. 

Depuis la rentrée, quelques personnes parvenaient à y apporter de leur lumière, mais c'était dur. Un combat quotidien et éreintant. Chaque jour, il fallait sourire. Je devais donner le change, alors que mon cœur, souvent, était ailleurs. Je soupirai tristement.

Alors que la vidéo avançait, je sentis mes paupières se faire plus lourdes. Mes pensées s'emmêlèrent entre l'horrible récit d'un meurtre, le visage souriant de Victoire et les paroles de Lance. Tout s'embrouilla jusqu'à ce que je sombre complètement et que tout disparaisse enfin. 

Le lendemain matin, je me levai peu après l'aurore. Je n'avais pas fermé mes volets, admirant ainsi les restes du soleil levant. Le ciel découvrait une palette de roses et cette perspective illumina mon moral. 

Je n'étais pas certaine que les autres soient levés. D'ailleurs, je ne savais pas vraiment qui était resté passer la nuit. Victoire somnolait probablement dans les bras de Benji à cette heure bien matinale ; inutile de compter sur elle pour nous ramener. 

Vêtue du pyjama que j'avais pensé à apporter — un simple pantalon de jogging gris et un débardeur à pois bleus — je descendis rejoindre le salon. Dans les somptueux canapés blancs, je fus surprise de n'y découvrir personne. La soirée avait été mouvementée et beaucoup d'étudiants avaient bu plus que de raison. Pourtant, il n'y avait pas âme qui vive dans cette maison. 

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant