Chapitre 1

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Les alarmes venaient de se déclencher, sans un de seconde de retard. Rugissantes, assourdissantes et insupportablement ponctuelles.

Yélif finissait de s'habiller. Dans un moment, la porte de son box s'ouvrirait, ne lui laissant plus que quelques instants pour s'échapper avant le verrouillage automatique, bientôt annoncé par une seconde alarme.

Ce matin, les secousses de son lit, censées le réveiller, n'avaient pas réussi à l'extraire du rêve programmé la veille. Était-il possible que son sommeil profond se soit déclenché trop tard, décalant ainsi toute la chronologie savamment établie ? Ou peut-être y avait-il eu une anomalie dans le dispositif de démarrage du propulseur d'image, entraînant un décalage du début du rêve et, par conséquent, un réveil tardif ? Il demanderait au technicien de l'hôpital de passer vérifier le système onirique de sa cellule.

Pour le moment, il devait se dépêcher. Les malades étaient déjà installés sur les socles métalliques glacés du bloc opératoire, attendant que des mains expertes prennent les commandes pour guider les robots-chirurgiens.

Yélif se glissa de justesse hors de son box. Pour rien au monde il n'aurait voulu revivre l'expérience désagréable de rester bloqué toute une journée dans ce minuscule espace qui lui servait de chambre. Un souvenir très déplaisant.

Cela s'était produit quelques mois auparavant. Il avait dû attendre le soir avant de pouvoir s'extirper de cette boîte programmée pour se refermer à heures fixes, sans jamais tenir compte des besoins de son occupant. Les médecins avaient la possibilité de paramétrer les horaires d'ouverture mais n'avaient aucun pouvoir sur ceux de la fermeture, imposés par les pilotes.

Il était resté assis sur son lit, dans l'obscurité la plus totale, sans aucune connexion virtuelle ni autre possibilité de communiquer avec l'extérieur. Dix heures à attendre, et à s'en vouloir de s'être laissé prendre au piège.

Comme à chaque fois qu'il avait du temps à perdre, il s'était exercé à libérer son esprit de toutes les contraintes imposées. Une sorte de récréation qu'il s'autorisait parfois. Durant cette évasion, incontrôlable par les caméras, il recréait sa vie. Il déconstruisait son existence, la modifiait pour qu'elle le surprenne, ne soit plus aussi rigide et prévisible.

Cela débutait toujours par la même image, une sorte d'amorce qui permettait au cerveau de démarrer sa fugue : une femme, des enfants, une maison sur une colline surplombant une vallée arborée... Pas de son, ni de scénario, juste cette image fragile, floue, à peine colorée.

LE SERMENT DU DERNIER MESSAGERWhere stories live. Discover now