Le soleil se levait doucement sur la ville de Jennystein, révélant petit-à-petit les bâtiments colorés qui la composaient; Les maisons rouges, oranges, vertes, jaunes, bleues, blanches.. Les hôtels de briques rouges aux panneaux nominatifs lumineux.. Les usines d'acier oxydé et aux toits de verre.. Les rues de pavés, les plantes aux balcons, la vieille église qui aurait dû être rénovée il y a 4 ans de cela, le parc dans les hauteurs de la ville où se trouvaient quelques palmiers importés des Caraïbes, l'école primaire de St-Cassandre qui provoquait un brouhaha inimaginable lorsque sonnait 10heure, les quelques bars de la basse-ville avec leurs murs humides, couverts de mousses, les boulangeries qui ouvraient doucement leurs portes de barreaux d'acier, révélant des viennoiseries encore chaudes car elles venaient de sortir du four de pierres, les quelques animaux errants qui vagabondaient dans les rues encore désertes, ce vieux bobtail qui restait toujours devant la porte d'entrée du restaurant Chez Denise , qu'il "faudra un jour bien faire dégager car, à force, c'est qu'il va faire parti des fondations". Puis sonnait 6 heures à la vieille église, et quelques courageuses personnes bravaient le froid pour se diriger vers un restaurant, une boulangerie ou un bar pour commencer leur journée avec une boisson et une viennoiserie.
La ville étant encore silencieuse, on pouvait entendre les vagues de la mer Méditerranée qui se trouvait quelques centaines de mètres plus bas, caressant paisiblement la plage , faisant s'écrouler un ou deux châteaux de sable qui avaient été construits la veille par quelques touristes anglophones. Les mineurs, eux, dans leurs salopettes encore bleues -qui seraient totalement noires de charbon à la fin de la journée-, se dirigeaient vers la mine de Tocqueville où ils rencontreraient quelques robots de cuivre, dégageant de la vapeur grisâtre de leurs multiples pistons dorsaux. Quelques mouettes, ça et là, ponctuaient le ciel de leurs rauques, formant des nuages éphémères, qui n'apparaissaient qu'un court instant avant de se disperser. Puis 7 heures sonna à l'église. Ici et là, des Reinastellas bleues, blanches, rouges, noires.. traversaient les rues, déchirant les rares bruits de leurs moteurs huit cylindres. Sans doute étaient-ce des rantiers qui emmenaient leurs enfants à l'école du centre-ville. Les ouvriers, eux, se dirigeaient vers les usines de parfum ou de textile. Plus aucun ne travaillait dans celle dédiée à l'armement. Ils avaient lu ça dans le Jennystein Matin : "Les employés de l'usine Mortimer remplacés par des automates". Oh, ça ne leur avait pas plu, mais ils n'avaient pas le choix, après tout. Puis ceux qui avaient la chance de ne pas avoir de réels horaires dormaient encore. Caspian faisait partie de ceux-là. Ceux qui pouvaient encore dormir quand la ville se réveillait. Il s'était couché tard hier soir. Il avait passé toute sa nuit à penser à la fille de l'apothicaire, Camilla.. et au fils du garagiste, Martin.
La chambre de Caspian se trouvait à l'étage de la maison familiale, juste à côté de celle de sa sœur. Il s'agissait d'une pièce simple, relativement petite : des murs neutres avec, ici et là, des feuilles cloutées, couvertes de croquis de travaux, un plancher clair, un lit aux draps bleus, un bureau de bois sombre, une armoire avec quelques vêtements et une autre remplie de livres variés. Une fenêtre se trouvait entre son lit et son bureau, donnant sur la rue, laissant passer des fins rayons de lumières aux travers des rideaux pastels. La symphonie des sons de la ville ne le réveillait pas, et n'allait pas le réveiller. Ce ne fut qu'à midi que ses yeux daignèrent s'ouvrir, acceptant la présence de la douce lumière du sud, accompagnée de sa chaleur. Les yeux bleus du rouquin parcoururent la pièce, comme s'il s'attendait à ce que quelque chose ait changé pendant son sommeil. Il se redressa lentement, s'asseyant, par la suite, au bord de son lit, se frottant ses yeux encore à moitié endormis. S'il l'avait vu comme ça, son père lui aurait sans doute envoyé un "ouvres-moi ces yeux de chinois".. et Caspian aurait dû faire comme si ces propos racistes ne le dérangeait pas. Le pire était qu'il n'était même pas asiatique. Son père n'était pas tant une mauvaise personne, le garçon le disait lui-même : "mon père, il est pas mauvais. Il est juste.. vieux. Certaines fois il déconne mais faut pas lui en vouloir, c'est un ancien soldat, il a vu des choses que tout le monde rêverait d'oublier, à sa place". Le fils de l'horloger se leva et se tituba jusqu'à son armoire, choisissant une chemise qui oscillait entre le blanc et le beige, un pantalon noir rafistolé ici et là, avec un morceau de tissus brun au genou. Le pantalon tenait grâce à deux bretelles noires, un peu usées par le temps. "C'étaient celles de papa" pensait-il. Lorsqu'il eut tout choisi il ouvrit la porte pour se diriger vers la petite salle de bain, en face de sa chambre. Il pénétra à l'intérieur, fermant la porte derrière lui, d'un simple mouvement de pied. Comme chaque jour, il se perdit dans ses pensées en observant la mosaïque murale turquoise. Il se décida enfin de se diriger vers le lavabo de cuivre, laissant doucement couler l'eau avant de s'en asperger le visage grâce à ses deux mains. Il se déshabilla ensuite, affichant son corps mince, puis rentra dans la baignoire blanche. Il laissa couler l'eau chaude sur sa peau pendant quelques minutes, sans bouger, la laissant parcourir son corps. Ses cheveux imbibés d'eau lui cachaient le visage, collés à sa peau, presque fusionnant avec elle. Il prit enfin le savon de Markeya et le frotta contre sa peau.
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Le dernier tango des zeppelins
Ciencia FicciónLa guerre ne meurt jamais. Caspian le savait, ça. Son père le lui répétait tout le temps quand il ne parlait pas de sa haine envers le GNEE et le fait que la France aurait dû rester indépendante. "On est en 1937 papa, c'était il y à 17 ans, faudrait...