|7| Une étrange rencontre

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L'humeur morose d'Amélia inquiétait beaucoup Théo. Il n'était pas habitué à voir sa sœur ainsi. Aussi loin qu'il s'en rappelait, elle avait toujours su se montrer forte devant lui. De la même façon qu'une mère l'aurait fait avec son enfant, elle s'efforçait de se montrer joyeuse et optimiste pour ne pas l'inquiéter, même quand ça n'allait pas particulièrement. Théo ne prenait conscience de tout cela qu'aujourd'hui, maintenant qu'elle avait abandonné ses barrières.

Pour la première fois, Théo sut donc qu'il était de sa responsabilité d'être là pour sa sœur, de la même manière qu'elle l'avait toujours été pour lui, ce de façon inconditionnelle. Il lui devait tant.

Amélia lui avait confié ce qui l'attristait tant, tout en lui assurant qu'il lui fallait juste du temps, que ce n'était que de stupides sentiments qui disparaitraient bien assez vite. Cependant, Théo s'était mis dans la tête qu'il lui fallait absolument occuper Amélia, l'empêcher de ruminer ces pensées.

Le jeune homme se sentait coupable d'avoir tant délaissé sa sœur depuis qu'ils étaient arrivés à la réserve. Il se sentait égoïste d'avoir passé si peu de temps avec elle. Il comptait donc changer son comportement à partir de maintenant.

— Tu es partante pour une expédition ? lui proposa-t-il donc un matin.

— Une expédition ? s'étonna-t-elle.

— Seth a proposé de nous emmener voir Neah Bay. Il dit que c'était magnifique. Ça se situe sur les terres de la réserve Makah, au nord de la réserve Quileute.

Amélia haussa un sourcil.

— Je suppose que si vous me proposez, c'est que vous comptez vous y rendre par des moyens humains ?

Théo étouffa un rire.

— Ne t'inquiète pas, la rassura-t-il. Je ne comptais pas te dire de monter sur mon dos de loup. Nous prendrons la voiture.

La jeune femme resta songeuse quelques instants.

— Je ne suis pas sûre d'être de très bonne compagnie, admit-elle finalement.

— Tu sais bien qu'avec Seth il est impossible de ne pas être de bonne humeur. Aller, viens. Tu verras, ça va être cool !

Amélia ne se sentait pas capable de refuser. De plus, elle savait que Théo avait raison. Il ne servait à rien qu'elle rumine ses pensées toute seule, or, c'était ce qu'elle aurait fini par aller faire en s'installant à First Beach. Cette plage était devenue le lieu de sa solitude, le lieu où elle laissait libre cours au flot de ses pensées. C'était aussi le lieu où elle ressassait son amertume, la comparant à celle que sa mère avait du ressentir, des années avant elle.

Sur la plage, elle pensait beaucoup à Emmie Black. Elle avait parfois envie de hurler face à son absence. Ici plus que nulle part ailleurs, elle était en colère. Elle aurait tant voulu pouvoir se confier à sa mère, qu'elle la prenne dans ses bras, qu'elle la rassure, lui dise que ce n'était pas la fin des haricots, qu'elle rencontrerait quelqu'un d'autre qu'elle pourrait aimer davantage encore qu'Embry. Sa mère lui aurait raconté ses mésaventures passées, elle lui aurait parlé de Joshua Uley, l'aurait insulté de tous les noms avec la ferveur qui la caractérisait. Elles auraient observé les remous de l'océan ensemble, se seraient laissées apaiser par le bruit des vagues.

Emmie Black, cette femme qui n'était pratiquement qu'une étrangère, lui manquait terriblement. Elle lui avait toujours manqué, mais plus encore aujourd'hui.

Et puis, il y avait son père. Ce père formidable qui s'était démené pour élever deux enfants qui souffraient de l'absence d'une mère. Ce père incroyable qui avait du faire son deuil en silence et s'efforcer de remplir son foyer d'amour avec deux fois plus d'efforts, car il le faisait pour deux.

Terre d'amertume [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant