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Un día lluvioso

Trois ans auparavant
Laura

TW : attention, peut comporter des scènes choquantes : violence, abus, séquestration, viol... ne convient pas à tout le monde


   Mon petit bébé a fêté ses dix-neuf ans il y quelques jours mais elle n'a eu qu'une partie de ses cadeaux, le meilleur a vu ses délais de livraison se rallonger à cause des grèves et a eu plus de dix jours de retard. Ma Jezebel va sauter de joie quand elle verra cet assortiment de barrettes en tout genre, allant du doré à l'argenté en passant par du rose gold. Elle porte celle que je lui ai offerte pour son quinzième anniversaire, à chaque évènement important. Au moins, elle aura le bénéfice du choix avec la boite que je lui ai confectionné.

   — ¿ Oiga, mi corazón ? (Se rapproche le plus du « Allô », celui-ci sollicite une réponse.)

   — Tu n'es pas à la maison ?

   Les rails du train doivent l'interpeller, je ris à travers le combiné et je le sens sourire.

   — Je vais récupérer le cadeau de Jezzy. Nadia m'a appelée pour me prévenir qu'elle l'avait réceptionné.

   C'est la propriétaire d'une maroquinerie à El Pozón, un des quartiers de Carthagène. Et une bonne amie chez qui je renfloue mon dressing dès qu'elle a de nouvelles pièces.

   — On aurait pu y aller pour toi, Laura.

   — Y por la gracia de Dios (Et par la grâce de Dieu) j'ai mes deux jambes pour m'emmener où je le veux sans être assistée. Lino, je suis ta femme et un être-humain, pas une poupée en porcelaine. Marcher et prendre les transports en communs ne vont pas me briser en petits morceaux.

   — Je sais bien...

   — Oh ! Le bus est là.

   — Reste en ligne avec moi.

   Je ricane et j'accepte.

   — Je suis rentré plus tôt pour passer du temps avec toi sans notre fille et tu n'es pas là, se plaint-il, en boudant à moitié.

   — Je pense que tu as passé l'âge de bouder comme Jezebel, je glousse en m'installant sur un des sièges disponibles.

   — Tu as raison. On devrait passer plus de moments ensemble, toi et moi.

   — Ça me plairait...

   — Tu sais quoi ?

   — Dis-moi.

   — On va partir un week-end. Non, un mois entier sur une île. Loin de tout et de tout le monde. Coupés de nos téléphones.

   — Et los Infiernos ?

   — ... Moisés peut prendre le relais en attendant.

   — Et notre petite princesse ?

   — Moisés aussi peut...

   — Tu ne peux pas tout refourguer à ton bras droit sous prétexte qu'il est ton bras droit, ce n'est pas sympa, je plaisante en comptant le nombre de stations restantes. Reparlons-en ce soir, tu veux ? On pourra réfléchir à ce qu'on fera.

   — Tu ne sais pas ce que je donnerais pour que tu sois là, près de moi.

   Je souffle en souriant et ferme les yeux un instant, le cœur qui s'emballe et ces papillons qui court-circuitent mon corps. J'ai aimé Lino au premier regard. Ça a été instantané et j'ose croire que ça en a été de même pour lui. Je n'étais qu'une étudiante et lui évoluait dans les trafics. Tout est allé vite entre nous, nos jeux de regards, nos premières paroles, nos rendez-vous, notre premier baiser, notre première fois, notre appartement miteux quand il n'était qu'un guetteur, son ascension dans la hiérarchie des cartels, notre deuxième appartement, l'arrêt de mes études par manque d'argent, notre mariage, sa place au sommet de los Infiernos, ses absences répétées, sa distance puis ma grossesse. La plus belle nouvelle de toute mon existence. Celle qui a ravivé l'étincelle entre ma moitié et moi. Celle qui l'a poussé à faire construire une maison en bord de mer et à s'y poser calmement, déléguant certaines tâches aux membres de son gang.

Deal With Devil (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant