20. Lumière

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XX.

Arrêtés à la sortie d'un énième village au milieu d'un vaste terrain, Cesyll contempla les horizons. Ansol, toujours sur son cheval, regardait elle aussi le bout de cette longue route. Cela faisait quatre jours qu'ils traversaient l'île en direction des côtes, là où il était bon de se cacher et mauvais de se montrer.

Quatre jours qu'elle savait que Sola était vivante. Des nuits durant lesquelles Ansol ne parvenait plus à s'apaiser.

Elle arrive.

La présence du Collecteur l'aidait certes à gagner quelques heures de sommeil, mais la réalité était toujours plus forte.

Je dois l'affronter.

Elle ne pensait plus qu'à ça. Le cauchemar devait cesser. Mais comment s'y prendre ? L'alchimiste, bien que terrorisée à l'idée de revoir la quelconque chose qu'était devenue sa sœur, n'avait toujours pas abandonné l'idée de vivre.

Il n'y avait pourtant plus aucun endroit où il était bon de se trouver. Elgara, centre de ce qu'elle pensait être son nouveau monde, était tout à coup devenu le terrain de jeu d'une jumelle increvable qui la poussait à revenir sur ses pas.

Retrouver la Baie d'Allin ne devait plus jamais faire partie de ses plans. Et voilà que la destination était à présent la meilleure des solutions. S'éloigner pour se cacher, pour se faire oublier.

Pour gagner du temps.

— Contre quoi nous battons-nous exactement ? demanda subitement Ansol.

Cesyll, désormais assis face au feu qu'il venait d'allumer, la contempla un moment.

— Le roi et ses pantins ? Ceux qui punissent le Deux ? Cette sœur que j'ai déjà tuée... ? continua-t-elle

— Nous ne nous battons pas. Nous disparaissons.

Elle le regardait finalement. Disparaître était réellement tentant, encore plus à ses côtés. Mais cela ne faisait que de repousser le problème.

— Je veux me débarrasser de cette ombre qui me suit, répondit-elle.

Quelque chose de mauvais était derrière eux, sur leurs pas, et tous les deux en étaient conscients. Mais, tandis que l'une tentait de ne plus avoir peur, l'autre était déjà épuisé de son long combat.

Épuisé par toutes ses années consacrées à sa quête, à son seul destin.

Et voilà que soudain, l'objet de toutes ses convoitises lui demandait de se dresser contre le monde et de tout risquer.

— Nous avons assez...

— Je veux me battre, le coupa-t-elle. Je veux lutter contre ce qui est sur le point de nous tomber dessus.

Elle descendit alors de son cheval et le rejoignit. Cesyll la regarda s'approcher d'un air grave et ne dit rien.

— Je veux me battre, répéta-t-elle plus fermement, la voix tremblante. Avec toi.

Il avait dédié toute sa force à cette femme face à lui. Sans qu'elle ne le sache encore, elle était le prix tant convoité d'une longue vie de sacrifices, d'exil et de silence. Et quand il sentit sa peur ; celle associée à sa soudaine et increvable détermination de se libérer, l'homme vit enfin le plus important.

Ansol se tenait maintenant comme une évidence, une lumière qu'il était devenu impossible de ne plus voir, par laquelle il ne pouvait plus s'empêcher d'être éblouis. Elle était une entité complètement différente du reste.

Ses mots étaient entrainants. Ses choix percutants, indiscutables. Il n'y avait qu'eux. L'esprit du Collecteur ne s'animait que pour la servir. Ses yeux ne voyaient plus que les siens. Ses mains ne savaient plus que la toucher, la vénérer jusqu'à la fin. Et rien ne devait venir menacer ce nouvel équilibre. Destinés, à jamais liés, il était à présent évident de se vouer à mort l'un à l'autre.

Les Mouettes aux Ailes RougesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant