Chapitre 5 : Ressentir plutôt que voir

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À la suite de cette interaction avec Günther, Soïli resta un long moment dans la même position. La température basse de la mi-octobre se traduisait par son souffle nuageux, en même temps que son cœur continuait de raisonner pour faire vibrer la moindre de ses veines. Un gilet à capuche qu'il avait enfilé furtivement à la sortie de la douche entourait son corps comme à la recherche d'un peu de chaleur. Il aurait voulu se lever afin de se mettre à l'abris des courants d'air gelés, cependant ses jambes et ses poumons en étaient incapables.

Ainsi, il attendit malgré lui que ses membres cessassent de trembler et son souffle de se bloquer avant de pouvoir enfin retourner dans sa chambre.
Là, il se déshabilla et, sentant son corps encore douloureux, saisit son huile parfumée et se plaça face au long miroir rectangulaire accroché à l'armoire de la pièce. Il versa un peu de ce liquide dans la paume de sa main et l'étala sur ses bleus apparents.

Ses doigts parcouraient sa poitrine bien dessinée, son ventre divisé par la barre de ses abdos à peine visibles, son flanc retraçant fidèlement la forme naturelle de sa taille fine ainsi que son dos tatoué mis en relief par ses muscles entraînés. Néanmoins, il remarquait une chose étrange. Quelques hématomes plus gonflés et douloureux créaient une ligne particulière.

Soïli retraça lentement leur dessin en suivant le mouvement de ses doigts dans son reflet. Leur alignement formait un cœur. Il était certes un peu maladroit et asymétrique, mais il restait tout de même indéniable. D'abord, Soïli s'immobilisa lorsqu'il s'en rendit compte, puis sa chaire se hérissa sous l'effet d'un déferlement de frissons brûlants quand il comprit qu'une seule personne pouvait en être l'artiste.

Le seul à l'avoir frappé avec autant de puissance, le seul à pouvoir lui laisser des traces aussi visibles malgré sa peau châtaigne, le seul qui était capable de lancer des coups imperceptibles : Gun. Non seulement ce détraqué l'avait humilié, mais en plus il le forçait à en porter la marque ! Plus que de la colère, Soïli éprouvait une honte piquante et désagréable. On avait violé sa fierté en plus de son âme et de son esprit. Günther le dépouillait jusqu'au plus profond de son être et ça le consumait.

   — Tu me fais un strip-tease, Lili ? intervint soudainement Minam qui venait de rentrer dans la chambre.

   — Ferme la.

Soïli enfilait son haut pour la nuit avec rage, comme voulant faire disparaître ce sceau, et alla se coucher sans dire un mot. Son colocataire blablata encore quelques minutes avant qu'il ne s'épuisât à ruminer dans le vent. Il éteignit la lumière et partit dormir à son tour.

Néanmoins, Gessner ne parvenait à trouver le sommeil. II ressassait malgré lui les dire de Günther, comme la veille. « Laisse moi faire de toi un hédoniste »avait-il prononcé en tant que contrepartie. Qu'est-ce que cela pouvait bien dire ? Qu'attendait-il exactement du junior ? « Un hédoniste » ? Soïli n'avait jamais entendu ce mot, voilà ce qui l'effrayait encore plus. Il n'avait aucune idée de ce que Günther prévoyait de lui faire.

Au fil des heures qui s'écoulaient, les idées du jeune homme se brouillaient pour le faire délirer complètement. Il lui semblait ressentir le contact brûlant de Gun affluer directement sous sa peau. Ce n'était non-pas ce sentiment de malaise ou d'inconfort habituel, mais plutôt un déchaînement de volupté, de plaisir. Secondes après secondes, minutes après minutes, il comprenait de plus en plus de choses.

Le sénior posait doucement sa langue sur sa peau, la pressait dessus afin de laisser place à sa lèvre inférieure humide pour ensuite le caresser avec la supérieur jusqu'à ce que ses deux lips se rejoignissent pour clôturer son action ; voilà comment il faisait pour rendre ses baisers si obscènes. Il l'exécutait avec une telle habileté que le touché de sa langue devenait à peine perceptible, remplissant son rôle malgré tout. Soïli triturait son cou à l'endroit même où Gun l'avait embrassé. Puis, il se mit à faire de même avec les hématomes en forme de cœur.

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