La sonette de la boutique sonna quand la porte vitrée s'ouvrit.
Callidora sentit la chaleur intérieure caresser agréablement ses joues. Elle retira ses gants en cuir avant d'inspecter ses environs. Harfang arriva derrière et plaqua sa main sur le bas de son dos.
- Monsieur et Madame Londubat ! s'exclama un vieux sorcier aux rides tombantes. Quel plaisir de vous revoir ici !
- C'est l'anniversaire de ma femme aujourd'hui, déclara Harfang en dissimulant vainement sa fierté. J'aimerais lui acheter un bijou.
Elle soupira intérieurement. Elle aurait mieux voulu ne rien fêter du tout. Quarante-deux ans et elle se sentait déjà plus vieille qu'un torchon usé. Lara répétait qu'elle était la plus belle femme qu'elle ait rencontré dans sa vie, mais Callidora mettait cela sur le compte qu'elle était sa mère et que si elle lui disait le contraire, elle aurait fini sur le palier avec ses valises à côté.
- Félicitations à Madame, souffla humblement le bijoutier. Veuillez choisir ce qui vous plaît.
Sa main tendue désigna la salle entière. Elle s'avança jusqu'aux premières propositions, balayant rapidement du regard tout ce qui était exposé. Banal. Simple sur celui-ci. Trop chargé de saphirs sur celui-là. Elle ne voulait pas des saphirs d'ailleurs. Ni des émeraudes. Les rubis étaient ce qui s'accordait de mieux à sa couleur de référence, le rouge. Elle ne l'avait même pas adopté parce qu'il s'agissait de la couleur traditionnelle des Londubat, elle le considérait juste à l'image de sa personnalité. Tâché de sang mais encore vif.
Harfang la suivait, inspectant les bijoux qu'elle venait d'ignorer. Après que le vieux vendeur ait remarqué que personne n'écoutait vraiment ses recommendations, il se contenta de rester à l'entrer, attendant qu'on le nécessite.
- Trouves-tu ton bonheur ? demanda-t-il quand elle eut fait le tour.
Elle s'arrêta pile à ce moment là sur le dernier collier proposé. Une cascade de perles avec, au-dessus et en dessous, deux fils fins de rubis. Les pierres précieuses étaient durement sculptés, aiguisées à la pointe ; ce détail lui plut.
- Lui.
Le bijoutier retira alors le couvercle de verre et prit de manière délicate le collier.
- Voulez-vous l'essayer ?
- Oui.
Elle le vit s'approcher avec et recula d'un pas. Rien que le fait d'imaginer ses mains ridées l'effleurer lui donnait des frissons. Elle se haïssait pour cette réaction. Dans quelques années, elle serait comme lui. Frippée, abîmée. Sa beauté, envolée. Harfang esquissa un sourire d'excuse.
- Laissez-moi faire je vous prie.
Elle retira sa cape et souleva son chignon. Le vieux propriétaire se contenta d'arriver avec son miroir antique, l'élevant assez haut pour qu'elle puisse s'y voir. Les perles se déposèrent sur ses clavicules. Leur température froide transperça sa peau. Pourtant, ce ne fut pas elles qu'elle regarda. Ce fut son visage. Ses joues creuses et le contour de ses yeux flétris, pourtant masqués par du maquillage. Elle avait inspecté sa chevelure le matin même et n'avait rencontré aucun cheveu blanc, merci bien. Mais plus le temps passait, et plus elle regrettait s'inspecter devant un reflet. Elle n'y voyait que défaite et laideur.
- Je sais bien que tu es une pierre précieuse à toi seule, mais ce serait bien que tu donnes ton opinion sur le collier plutôt, murmura Harfang à son oreille.
Elle croisa son regard dans le reflet. Sa main était posée sur son épaule. Ses yeux bleus exprimaient tout l'amour qu'elle n'avait jamais reçu de quiconque d'autre. Il connaissait la moindre de ses pensées sans même pratiquer de magie sur elle. Il le savait, c'était tout. Quand elle était revenue de chez les Rosier, vingt ans auparavant, elle n'avait pas parlé pendant des semaines. Et quand elle avait enfin ouvert la bouche, qu'elle lui avait confié tout ce qu'elle avait vécu, les horreurs qu'elle continuait encore de vivre quand elle fermait les yeux, c'était comme s'il s'y attendait déjà. Son assurance lui procurait un certain soulagement.
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Déclin - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 III
Fanfic❝𝘾𝙧𝙤𝙞𝙨 𝙢𝙤𝙞, 𝙦𝙪𝙖𝙣𝙙 𝙙𝙚𝙨 𝙢𝙚𝙢𝙗𝙧𝙚𝙨 𝙙'𝙪𝙣𝙚 𝙢𝙚𝙢𝙚 𝙛𝙖𝙢𝙞𝙡𝙡𝙚 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙚𝙣𝙘𝙚𝙣𝙩 𝙖 𝙨𝙚 𝙧𝙚𝙩𝙤𝙪𝙧𝙣𝙚𝙧 𝙡𝙚𝙨 𝙪𝙣𝙨 𝙘𝙤𝙣𝙩𝙧𝙚 𝙡𝙚𝙨 𝙖𝙪𝙩𝙧𝙚𝙨, 𝙘'𝙚𝙨𝙩 𝙡𝙚 𝙙𝙚𝙗𝙪𝙩 𝙙𝙚 𝙡𝙖 𝙛𝙞𝙣.❞ Le corbeau prenant so...