II. 17 novembre 1957 - le mausolée

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Callidora s'avança dans l'allée tout en observant les alentours. Le domaine des Lestrange n'avait jamais été très gaie, mais il avait toujours su conserver sa dignité. Aujourd'hui, on aurait dit une ruine. Les buissons se résumaient à des branches nues, le sol n'était que de la boue. Le peu d'arbres qu'on y apercevait étaient morts. Ce qui choquait le plus, c'était certainement le silence qui recouvrait le Manoir. Ses pierres noires paraissaient endeuillées, humides de larmes.

Puis on s'étonnait que les Lestrange étaient une famille austère.

- Rod' ! entendit-elle crier. Attend-moi !

Un garçon fusa dans l'air, à califourchon sur son balais. La main tendu vers une petite boule dorée, il ne lâchait rien de vue, pas même pour ce qui devait être son petit frère, zigzagant en agrippant le manche de toutes ses forces. Il était sur le point de se mettre à pleurer.

- Rod', mon balais veut me faire tomber !

Il se mit à crier quand l'objet fit un piquet vers le sol. Callidora sortit sa baguette. Immédiatement, le balais se redressa et déposa le garçon par terre en toute tranquilité. En haut, son frère avait attrapé ce qu'il avait poursuivi et redescendait, observant la visiteuse d'un œil méfiant.

- Qui êtes-vous ?

- Elle m'a sauvée ! s'exclama le plus petit.

L'aîné ne devait pas avoir plus de six ans et il se comportait déjà comme le maître des lieux. Perseus ne devait pas beaucoup être présent pour que son fils prenne son rôle.

- Bonjour, d'abord, le reprit-elle.

Mais il attendait qu'elle poursuive, en rien concerné par cette correction. Elle contrôla son irritation et continua.

- Je cherche votre père, Perseus. Est-ce qu'il est ici ?

- Non.

Il ne spécifia rien de plus, se contentant d'attraper le balais de son frère pour l'inspecter attentivement. Il agissait comme si elle n'existait pas. Si Asler ou Lara avaient fait ça, elle les aurait puni pendant une semaine entière. La négligence paraissait être la marque de fabrique de cette famille.

- Et sais-tu où il peut être ?

- J'en sais rien. Ça fait des jours qu'il n'est pas venu.

- Parfois on l'entend rentrer la nuit, dévoila le cadet avec des grands yeux, puis le matin, il est plus là. Mais il nous laisse des pains au chocolat, hein Rob' ?

- Mouais, marmonna celui-ci, en rien convaincu.

- Et votre mère ? tenta-t-elle une nouvelle fois.

- À l'intérieur, signala l'aîné. Avec un autre homme. Elle nous a mis dehors en nous demandant de ne pas la déranger.

Malgé son jeune âge, il semblait parfaitement comprendre la situation. Les enfants délaissés par leurs parents grandissaient trop vite. Et le résultat était rarement charmant. Agacée de devoir faire la conversation avec un enfant au lieu d'être reçue convenablement, elle s'avança jusqu'au palier et fit sonner la clochette.

- Elle va être énervée, entendit-elle murmurer dans son dos.

Deux minutes plus tard, la porte s'ouvrit brusquement, dévoilant une femme en robe de chambre, des longs cheveux blonds décoiffés et des mots colériques prêts à franchir ses lèvres. Mais dès qu'elle reconnut Callidora, elle s'efforça d'adopter un air tranquille tout en se recoiffant discrètement.

- Bonjour. Callidora Londubat, n'est-ce pas ?

- Oui. Je cherche votre mari.

Elle éclata d'un petit rire.

Déclin - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant