Chapitre 8 - La huitième marche (partie 1)

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« 15 janvier.

À ma plus grande surprise, William s'est présenté au lycée ce matin. Je ruminais seule dans mon coin à cause de mes parents - pour changer - et il s'est posé à côté de moi en classe, l'air de rien. Évidemment, tout le monde l'a remarqué, mais il a fait comme si de rien n'était et m'a salué. Je ne savais plus où me mettre et tout le monde m'a posé tout un tas de questions dans les couloirs. C'est clair et net, la vie de fille populaire, c'est pas pour moi. J'ai pas eu une seconde à moi aujourd'hui. Mais lui, ça l'a fait rire. Il est venu déjeuner avec moi, me demandait constamment de le guider dans les couloirs et m'a même piqué mon stylo préféré. Il m'a pris pour son assistante ou quoi ?! »

Avec un peu d'attention, on pouvait entrevoir un petit creux dans la cicatrice d'Annabelle. De temps à autre, elle suivait de son index cette ligne qui s'était naturellement dessinée sur le dos de sa main durant la cicatrisation. Cette petite partie rugueuse était le souvenir de la fois où Thomas avait perdu le contrôle de ses flammes et, dans un moment de panique que la jeune fille n'avait pas saisi, avait blessé son amie. À défaut d'avoir correctement appliqué le baume sur sa main meurtrie, il était resté une trace indélébile mais aucunement gênante. De plus, le mal était déjà fait et pardonné depuis longtemps. La cicatrice faisait désormais partie de son corps et elle s'apaisait de l'effleurer comme si c'était le dernier lien qu'elle entretenait avec le Croisé. Pour ne rien changer aux dernières semaines, ce dernier s'évertuait à ne plus répondre au téléphone. Elle avait essayé durant la nuit, en vain. Elle se heurtait continuellement à ce même répondeur et se rassurait de savoir que sa boîte vocale n'était pas pleine, preuve qu'il écoutait les nombreux messages qu'elle lui laissait.

Au petit matin, elle avait quitté son lit dans le plus grand des calmes. Jude était déjà parti en cours, Evan était retourné sur le campus, et la plupart des maisons alentours étaient déserte. Alors il régnait une sorte de paix ambiante qu'Annabelle appréciait amplement, parce que ça l'aidait à cogiter. Elle s'était arrêtée sur la marche qui grinçait sous ses pieds et se dit qu'elle aurait sans doute réclamé la paix si elle avait été dotée de la parole, puis descendit à la cuisine et saisit son paquet de café dans le placard pour préparer sa première tasse de la journée. Tandis que la machine à café entamait son air de chantier dans la cuisine, Annabelle parcourait les actualités sur son téléphone, tête baissée. Elle avait suivi de près l'accession au pouvoir de Freïji Miu Galina et guettait le moindre retournement politique. S'il était de notoriété publique qu'il partageait les mêmes intérêts que ça défunte mère, les récents événements avaient clairement affecté le peu d'apparition publique qu'il s'octroyait. Or, il aurait été tout à fait normal de voir le jeune souverain s'afficher auprès du peuple de manière régulière, mais il se faisait discret et reléguait les annonces importantes à quelques administrés.

En ce qui la concernait, Annabelle n'avait personne pour gérer ses petits tracas et la journée qui l'attendait allait être riche en action puisque le plombier passa remettre en état la chaudière et l'artisan qu'elle avait contacté était arrivé en début d'après-midi réparer les dégâts causés par l'infiltration d'eau. Au final, le calme aura été de courte durée et les allées et venues de ses ouvriers lui donnaient rapidement le tournis. Et comme elle ne pouvait pas quitter la maison pour la durée des travaux, elle s'était résolue à bouquiner dans le canapé, au chaud sous un col roulé, avec son casque sur les oreilles.

Ce n'est qu'après le déjeuner – qu'elle a bien entendu fait livrer – qu'une jeune tête blonde devenue familière frappa à sa porte. Cette fois-ci, le Pisteur était venu les mains chargées et déposa son sac sur la table de la salle à manger sous l'œil quelque peu méfiant d'Annabelle. Même si elle le laissait circuler librement sous son toit, elle conservait une distance raisonnable et ne le quittait presque jamais du regard. Pour le moment, à ses yeux, Leag restait un Assassin et le neveu d'Œlios. Aussi louables étaient ses intentions, il pouvait très bien essayer de la duper.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant