chapitre 78 : les cadavres dans le placard [2]

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Giana battit des cils une bonne dizaine de fois au moins avant de pouvoir soutenir le vert féroce de ses iris sauvage. Elle ancra son regard dans celui de Lissandro, abasourdie par ce qu'elle découvrait. Son soit disant travail avait de toute évidence tout à voir avec le meurtre ou la découpe d'un corps quelque part dans les pièces de cette maison.

Plus à même de parler, elle demeura sans voix. Toutes les questions qu'il lui posait entraient par une oreille et ressortaient par l'autre.

— Réponds moi Giana ! exigea Lissandro impatient.

Elle eut un léger soubresaut, mais rien de bien alarmant. Rassemblant le peu de courage qu'il lui restait, elle tenta de formuler une phrase correcte, mais ce fût sans succès.

— Je... J'ai... J'avais envie de... De...

Giana agita la tête de gauche à droite, dans l'incapacité d'aligner trois mots sans se mettre à bredouiller comme une conne. Pas que la vue du sang la rebutait ; loin de là. Elle en avait commis des horreurs aussi, sous les ordres d'Isadora et dans la plupart des cas, elle avait adoré. Giana avait juste beaucoup de mal avec les nouvelles facettes de cet homme qui n'avait de cesse de lui glacer le sang.

— T'avais envie de quoi ? De te balader à poil devant mes hommes, c'est ça ?

— Tes mains ! souffla-t-elle imperceptiblement.

Lissandro fronça les sourcils, pas très sûr d'avoir compris ce qu'elle essayait de lui dire.

Dans le doute, il fit un pas vers elle, mais Giana recula instinctivement. Il capitula quand il réalisa qu'elle le craignait de nouveau. Intérieurement, il jura. Le pourquoi de sa crainte soudaine lui échappait et avait le don de le mettre en rogne. C'est comme s'il avait de nouveau affaire à la Giana qui le découvrait lui et toutes ses personnalités obscures. Il n'avait pas crié si fort pourtant quand il avait demandé pour le t-shirt et ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait sous ce jour. Nerveux, jaloux, vindicateur et prêt à décapiter ses hommes s'ils avaient eu le malheur d'apercevoir sa petite culotte. Alors quoi ? Il était où le problème ?

À bout de nerf, en plus d'être frustré d'avoir été interrompu dans ses activités, il ignora les signaux d'alertes qu'elle lui envoyait et décida de l'approcher.

— J'ignore à quoi tu joues, mais tu vas arrêter de te foutre de ma gueule !

— Je ne me fous pas de toi. murmura-t-elle sur le point de verser des larmes.

— Alors c'est quoi le problème ?

Il avait hurlé à plein poumons avant de lui attraper la mâchoire, tâchant sa peau pâle avec le sang qu'il avait sur les mains. Les yeux fermés, Giana n'osa plus bouger quand elle sentit ses doigts poisseux s'enfoncer dans sa chair. Lissandro comprit trop tard ce qu'elle essayait de lui dire, ce que son corps avait tenté de faire passer comme message. Pour la première fois de sa vie, il détesta poser ses mains sur elle. Pas ces mains là. Et encore moins quand elles étaient recouvertes du sang d'un de ses ennemis jurés. Jamais. Pourtant... Il l'avait souillé de bien des façons son corps et seulement en repeignant son ventre ou son dos de son sperme, mais jamais autrement. Ce sang sur son visage... Lissandro se détesta de n'avoir pas fait attention. Il se détesta d'avoir oublié sous l'effet de la colère et de sa possessivité maladive qui avaient pris le dessus qu'il était encore dans la peau du loup qu'il ne désirait pas qu'elle voit. Il se détesta de la marquer de la sorte. Indélébilement.

Le sang ça ne partait jamais vraiment. Sous l'eau oui, avec une quantité énorme de savon et de javel. Dans sa tête, et seulement quand Lissandro prenait le pas sur Le Soldat, il lui arrivait de les voir encore, ces traces de sang sur ses mains.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant