Une vie Bête

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« On va devoir les noyer, lança une voix grave, manifestement irritée.
— Non, sûrement pas ! Se plaignit une voix suraiguë.
— Mais que veux-tu en faire ? Elle est allée se faire saillir on ne sait où dans le quartier et on se retrouve avec ça sur les bras !
— Je ne veux pas qu'on les tue, Papa ! On va les donner ! »

Dure façon d'accueillir un être qui venait au monde, bien que je n'eus pas compris un mot de ce qui était dit. J'ouvris alors la bouche pour laisser un cri que je ne pus même pas entendre, à côté de petites choses aussi agitées que moi, toutes âgées de quelques minutes à peine. L'air était froid, les mouvements erratiques de ceux autour de moi me submergeaient, et je n'arrivais pas à penser à quoi que ce soit. C'est alors qu'une masse rugueuse et humide me recouvrit la tête plusieurs fois, comme pour arranger mon crâne et ordonner tout mon chaos de sensations diverses.
Cela fonctionna à merveille, et le froid mordant fut remplacé par un coussin duveteux, d'une chaleur et d'un amour rassurants, alors que je calmai mes cris. C'est à ce moment que je compris : cette langue râpeuse, ces poils chauds qui m'entouraient moi et mes frères, c'était ma mère. Celle-ci me rapprocha d'elle avec force, mais sans aucune animosité. Je me retrouvai blotti contre elle, heureux.

Je découvrais cet endroit depuis que j'arrivais à me mettre debout ; ma mère, mes quatre frères et moi, nous vivions dans un espace clos, très grand, laissant passer les rayons du soleil par ces carrés vides dans les murs. De plus, lorsque celui-ci disparaissait et laissait place à la nuit, des petits soleils prenaient le relais dans les différentes pièces, mais ceux-ci n'apportaient aucune chaleur. C'était pour cette raison que mon endroit préféré devint très vite le bloc chaud dans le coin de la pièce, car même l'extérieur était beaucoup trop froid en cette saison. Je crois qu'ils appellent ça un radiateur, et c'était devenu mon coin favori pour dormir.
Cependant, cela ne m'avait pas empêché d'explorer tout ce que cette maison avait à découvrir, dès que mes pattes purent me soutenir. De la cuisine aux escaliers infranchissables, je connaissais tous les endroits que je pouvais atteindre, malgré les réprimandes de notre mère.

Cette dernière avait l'air de réagir quand les humains criaient le nom "Tani !", et j'en déduisis que c'étaient ainsi qu'ils demandaient sa présence. Pour mes frères et moi, pas de nom particulier, ils babillaient simplement en nous voyant, nous prenaient dans les bras, mais ma mère les en empêchait farouchement, refusant que nous allions trop loin d'elle. De toute façon, j'étais le seul de ses enfants qui voulait s'aventurer plus loin, tandis que mes frères ne quittaient jamais notre panier. Notre mère nous apprenait de nombreuses choses, que nous écoutions de nos dix oreilles ; nous devenions propres, nous apprenions à chasser et nous jouions à nous battre durant plusieurs semaines. J'étais heureux ici, avec ma famille, et chaque jour était un nouveau souvenir plein d'allégresse.

Mais ce matin, je sentais que quelque chose avait changé ; l'air était plus lourd, et je ne savais en expliquer la raison. Mais quoi qu'il en soit, je restais blotti contre ma mère durant toute la matinée, ne sachant pas comment calmer ce stress intense qui naissait dans mon ventre. Mon intuition se confirma quand les humains arrivèrent ; je reconnus la petite et le grand, qui s'appellent respectivement Amandine et Papa, mais je vis un autre petit avec une grande, qui m'étaient inconnus.

Le petit aux poils noirs sur la tête décida de courir vers moi, et j'entendis alors ma mère se redresser et feuler de toutes ses forces en direction de celui-ci. Elle m'avait défendu, alors que l'agresseur repartit en pleurant derrière la grande. Les deux plus grands parlèrent entre eux, et même sans les comprendre, je les vis me pointer du doigt, et la petite que je connaissais bien s'enfuit en pleurant, alors que celui appelé "Papa" m'attrapait par la peau du cou. Ma mère le laissa faire au début, mais il monta sa patte beaucoup trop haut, et je m'élèvais dans les airs !

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 26, 2023 ⏰

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