- Je n'emmène quasiment personne dans la salle de couture, annonça Daphnée. Mais je sens que je peux vous faire confiance.
Les deux jeunes femmes, suivies de Marceau censé surveiller la princesse, étaient descendus au premier étage, juste en dessous de la salle à manger. Daphnée avait expliqué que cet étage lui était presque entièrement dédié, étant donné qu'il comportait l'infirmerie, où elle travaillait, ainsi que la salle de couture.
- Quand je suis arrivée dans le clan, il y a quelques années, expliqua Daphnée, les Fylis ne prêtaient pas grande attention à la façon dont ils étaient habillés. Ils ne savaient pas coudre et la plupart de leurs vêtements ressemblaient à des guenilles. Ma grand-mère adorait coudre et m'avait enseigné les bases de cette discipline. Je me suis donc portée volontaire et Charles m'a attribué cette pièce. Je l'ai aménagée au fil des années, pour qu'elle devienne mon refuge.
Daphnée s'arrêta devant la porte et prit une grande inspiration, visiblement nerveuse de partager ainsi son intimité.
- Vous n'êtes pas obligée de me montrer cette pièce, fit Olympe d'une voix douce. Je n'aimerais pas que cela soit source d'angoisse.
- Ca me tient à cœur, répondit la blonde. Personne n'a jamais réellement vu cette pièce, sauf Marceau, et encore, il n'a vu que l'entrée. Simplement je sens que vous comprendrez, vous. Comme vous avez vécu dans un monde différent de tous les habitants de cet hôtel.
Olympe hocha la tête et Daphnée ouvrit la porte. Comme indiquée par la jeune femme, une entrée avait été bâtie à l'aide de paravent qui dissimulait le reste de la salle. Un immense panneau recouvrait le mur principal, sur lequel étaient renseignés toutes les mesures des membres du clan. En observant bien, Olympe pouvait même voir qu'une partie de ce tableau lui était réservée. Voyant la surprise de la princesse, Daphnée expliqua :
- J'ai récupéré votre robe de marié que j'ai utilisé pour obtenir vos mesures.
Olympe hocha la tête et observa le reste de la petite entrée : un canapé et quelques rubans par-ci, par-là. Daphnée passa alors son bras sous le sien et demanda à Marceau de rester dans l'entrée. Il lui lança un regard inquiet qu'Olympe ne préféra pas tenter d'analyser.
Les deux jeunes femmes passèrent donc au-delà des paravents et Olympe resta bouche bée, émerveillée par le travail de Daphnée. Celle-ci lui lâcha le bras et s'éloigna vers un coin plus reculé. Olympe observa les murs, couverts de croquis et de dessins, représentant des robes, des pantalons, des chemises, des jupes, des costumes et toutes sortes de vêtements. D'énormes rouleaux de tissus recouvraient le mur du fond et des mannequins de toutes morphologies étaient alignés contre le mur de droite. Au centre de la pièce trônait une grande table en bois sur laquelle étaient posés des dizaines de livres de coutures, ajoutés à des centaines de feuilles et d'autres carnets qui devaient servir à Daphnée pour écrire ou faire des croquis. La pièce était très colorée et vivante, elle réchauffait le cœur...
Daphnée revint quelques minutes plus tard, les bras chargés de vêtements qu'elle glissa dans un sac en papier. Elle le tendit à Olympe qui l'interrogea du regard.
- Vous n'allez tout de même pas rester habillée comme cela indéfiniment, fit-elle. Je vous ai cousu un nécessaire de survie chez les Fylis et j'y ai ajouté des petites choses qui rendront votre quotidien meilleur. La transition doit être compliquée... Je veux dire que vous viviez dans un château où tout était à porté de mains. Ici vous n'avez rien.
Olympe était toujours aussi impressionnée par tant de gentillesse. Elle se contenta de poser le sac à terre et prit Daphnée dans ses bras.
- Merci infiniment, Daphnée, murmura-t-elle. En arrivant ici, je me suis fais la promesse de ne jamais faire confiance à personne, mais je pense pouvoir faire une exception pour vous.
Olympe était sincère. Réellement. Malgré tout ce qu'elle avait pu se dire sur le fait de ne pas sympathiser avec les Fylis, elle sentait que Daphnée ne pouvait être qu'une exception à sa règle. Peut-être qu'Olympe ressortirait de cette expérience étrange, gagnante. Gagnante d'une amie...
- Puis-je cependant vous demander pourquoi faites-vous tout cela pour moi ? demanda Olympe.
- J'ai vécu des choses qui me rapprochent de votre histoire et je sens que vous êtes la première personne depuis longtemps, capable de me comprendre pleinement. La vie fait que parfois, nous devons fuir. Je l'ai fait et je pense que si nous ne vous avions pas enlevée, vous auriez dû le faire aussi. Tutoyez-moi, mademoiselle, je vous en prie.
- Fais de même, et appelle moi Olympe, Daphnée.
- Je n'oserais pas... Vous êtes la future reine.
- Ose, je t'en prie, fit Olympe d'une voix douce en lui prenant les mains.
Daphnée adressa un sourire plein de respect à la princesse. Celle-ci sentait que la jeune femme était impressionnée par elle, et voulait la mettre à l'aise. Pour lui montrer qu'elle pouvait devenir une amie, Olympe murmura :
- J'ai cru comprendre que tu t'entendais bien avec Marceau.
Daphnée haussa les sourcils et explosa de rire. Elle plongea son visage dans ses mains, le teint écarlate et soupira.
- Il est possible que je m'entende bien avec Marceau, répondit-elle.
- Enfin bon Daphnée, je pense honnêtement qu'il est épris de toi. Tu aurais dû voir son regard après t'avoir embrassé l'autre jour. Je voyais bien qu'il n'avait qu'une envie : recommencer.
Une étincelle se mit à briller dans le regard de la blonde. Elle ne l'avait pas remarqué mais il se pouvait bien, qu'elle aussi, avait eu envie de recommencer.
- Tu sais, Olympe, fit Daphnée, encore hésitante sur la façon d'appeler la princesse, c'était mon premier baiser. J'ai été élevée dans une famille qui respectait les règles royales : aucun contact avant le mariage. Enfin, tu dois connaitre mieux que moi. Je n'ai jamais eu de relation amoureuse avec quiconque avant Marceau, et je ne suis même pas certaine de ses sentiments pour moi.
- Vous devriez en discuter, conseilla Olympe qui ne s'y connaissait pas plus en amour.
Daphnée serra la princesse dans ses bras et la remercia.
- Je suis heureuse que nous vous ayons enlevée, ironisa-t-elle.
Les deux jeunes femmes rirent de bon cœur et rejoignirent Marceau dans l'entrée de la salle de couture. Olympe fit mine d'avoir oublié ses vêtements dans la salle de couture, afin de laisser du temps à Daphnée. Comme leur relation était secrète, il devait être compliqué de trouver de l'intimité, surtout avec les Fylis.
Olympe attendit dans la pièce principale, observant sa robe de mariée déchirée et boueuse. Cela lui rappelait sa vie au château... La vie qu'elle avait tant voulu fuir. Maintenant qu'elle l'avait fait, de son plein gré ou non, elle n'était pas certaine de se sentir mieux. Elle soupira et retourna dans l'entrée, vide de toute émotion. La vision de Marceau et Daphnée si proches l'un de l'autre lui réchauffa le cœur : au moins eux seraient heureux. En voyant Olympe approcher, Daphnée se détacha de Marceau et vint passer son bras sous celui de la princesse.
- Vous êtes mignons, murmura Olympe.
- Je pourrais dire la même chose de toi et Charles, rétorqua la blonde.
- Comment ça ?
- Si je peux me permettre, tu l'as sacrément perturbé. Je ne l'avais jamais vu se comporter d'une telle manière, et je suis chez les Fylis depuis de longues années, crois-moi.
Olympe ne répondit rien, sidérée. Cette histoire était ridicule, elle ne pouvait pas ne serait-ce qu'imaginer une relation avec le chef du clan qui l'avait enlevée. Elle chassa cette pensée et remonta les escaliers jusqu'à sa chambre, bras dessus-bras dessous avec une Daphnée d'humeur enjôleuse.
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Arcalya - tome 1
خيال (فانتازيا)Future reine d'Arcalya, Olympe doit préparer son mariage avec un prince du royaume voisin. Ecœurée par son quotidien et ses obligations royales, elle ne rêve que d'une chose : s'échapper du château. Grande sera sa surprise lorsqu'elle se fera enlev...