Je suis plongée dans un noir profond. Rien ne se distingue à part une chaleur familière indescriptible. Je ressens des battements au creux de moi, sans vraiment savoir d'où ils proviennent. La seule chose dont je suis certaine, c'est que je suis en sécurité. Je ne veux rien savoir de plus. Soudain, un chaos se fait entendre. Un bruit sourd éclate avec fracas et je me sens arrachée de ce sentiment de sécurité familier. Une lumière vive m'éblouit et je ne perçoit rien d'autre que cette lumière blanche aveuglante. Un déchirement me transperce les entrailles et je pleure. Je hurle en le sentant projeter loin de moi, à des millénaires d'ici. Je ne sais pas si je le retrouverai un jour. Tout ce que je sais, c'est qu'il m'a abandonné et que je me retrouve seule dans ce chaos qui s'étend à l'infini.
Mes yeux s'ouvrent brusquement et cherchent frénétiquement l'heure projetée sur le plafond : 3 heure 33. Encore. Je suis tétanisée, impossible de bougée, essayant de trouver un semblant de calme. Cela fait maintenant une semaine que ce rêve me tient en hottage sans vraiment comprendre pourquoi. Tout ce dont je me souviens, c'est ce déchirement qui serre mon cœur et m'empêche de respirer. J'arrive après de longues minutes à bouger mes jambes, puis mon corps tout entier. En position fœtale, je ferme les yeux en essayant de me rendormir. Impossible. Mon cerveau ressasse ces dernières images qui ne veulent plus me quitter. Mais que ce passe-t-il bordel ? Je me concentre sur ma respiration, en espérant retrouver le calme.
***
6 heure : mon réveil sonne. Je n'ai pas l'envie de me lever et ma grimace en est bien la preuve. J'essaie tant bien que mal de trouver l'interrupteur pour stopper cette sonnerie infernale. Bingo. Je me frotte les yeux et des images floues me reviennent en mémoire. Ah non ! Ça suffit ! Je me lève d'un bond et me dirige vers la salle de bain. La lumière m'éblouit et je plisse les yeux en marmonnant. Petit à petit, je m'habitue à la luminosité et je parviens enfin à me regarder dans le miroir. Mes cheveux ébouriffés, je me demande comment ces filles arrivent à être des bombes atomiques dès le réveil. Cela n'arrange rien à ma bonne humeur matinale. De l'eau fraîche sur le visage, je traîne des pieds jusqu'à la cuisine et me serre un bol de céréale. Pourquoi dois-je aller en cours encore ? 7 heure 20. Il est heure. Je me dépêche, prends mon sac, mets ma veste et claque la porte derrière moi. J'ai l'impression de vivre dans une boucle temporelle où les jours se ressemblent. Heureusement, je commence avec le cours d'art aujourd'hui, ce qui me remonte un peu le moral. Je vais retrouver mon seul véritable ami qui n'est même pas au courant de l'être. Déjà installée à ma place habituelle, le local grouille d'élèves endormis. Comme d'habitude, il en encore en retard. Après le quart d'heure académique, alors que tout le monde pensait déjà partir, je le vois arriver. Il est tout aussi endormi que nous.
- Bonjour à tous, dit-il en posant son sac sur le bureau, un joint posé délicatement dans le creux de son oreille. Bien, aujourd'hui nous allons la faire chill. Prenez vos sketchbook et avancez sur votre travail de fin de trimestre.
Personne ne réagit. Les voix commencent à se lever et tout le monde commence à papoter. Ce qui est cool, c'est qu'il en a strictement rien à foutre.
- Ouh, tu as de petits yeux.
- Je peux en dire autant sur vous.
- Touché.
Il s'installe devant moi et me regarde.
- Je voulais te parler de quelque chose. Il y a eu la réunion des profs hier.
- Vous vous êtes fait chier ?
- Oui mais ce n'est pas le sujet. Jade, il faut que tu te ressaisisses. Tes notes sont en chute libre et ils pensent à te faire doubler si cela ne change pas.
Je soupire et ne trouve pas les mots. Comment ça ? Oui je n'ai pas les meilleures notes du monde mais je fais mon maximum. Je ne pensais pas être tombée aussi bas.
- J'ai confiance en toi. Je sais que tu es en pleine crise existentielle mais ne gâche pas ton année pour ce genre d'histoire.
- Ce genre d'histoire ? Vous allez me dire qu'un harcèlement ce n'est pas si grave ?
Il baisse les yeux. Tout le monde à l'air de minimiser ce que les autres me font subir. C'est vrai, après tout, il ne reste plus qu'un dernier mois avant la fin de l'année. De quoi devrais-je me plaindre ?
- Ce n'est pas ce que je dis, Jade. Je pense simplement à toi et je me dis que ça serait bête de rester encore ici alors que tu pourrais sortir de cette école de merde et faire ce qu'il te plait.
Il a raison. Cette haute-école de psychologie devrait être mon phare qui me guide à travers cette tempête qui dure maintenant depuis un mois et demi.
- Merci de m'avoir prévenue. J'essayerai de m'en sortir.
Sur ce, j'ouvre mon carnet et commence à griffonner ce qu'on appel de l'art. Il a compris que le message est passé. Il a également compris qu'il n'était plus nécessaire de me parler puisque je me suis braquée. Il tapote sur mon banc, se lève et va rejoindre les autres élèves pour papoter de plus bel. Une fois parti, je lève les yeux et le suis du regard. Heureusement qu'il est là. Axel est un bon professeur et je ne peux pas lui reprocher de m'avertir à ce sujet. Le problème, c'est que je me retrouve seule pour ce qui est ma dernière année d'étude dans l'enseignement général. Tout ça parce que j'ai pris la défense d'une professeure qui se faisait martyriser par cette classe de populaires en carton. Je ne regrette pas mon geste, je le recommencerais mille fois si je le devais. Je ne pensais tout simplement pas aux répercutions de mon acte. La liste avec leurs prénoms d'harceleurs est tombée entre leurs mains et ils ont reconnu mon écriture. Ces harceleurs sont donc devenus les miens et mon monde s'est écroulé. Tout le monde s'est retourné contre moi et mes amis ne l'étaient plus. Heureusement pour moi, il y a ce garçon qui est apparu dans ma vie peu de temps avant ce retournement de situation. Il a tout mis en œuvre pour faire partie de ma vie et c'est comme ça que nous sommes devenu amis. Il est même mon fère de cœur, mais ça, il ne le saura peut-être jamais. Je n'aime pas étaler l'importance que les gens ont pour moi. Nathan était une année au-dessus de la mienne. On a flirté un peu avant de se dire que nous fonctionnons mieux en tant qu'amis. C'est grâce à lui que j'ai rencontré sa bande de potes qui sont devenus les miens mais évidemment, ils sont tous partis à l'université maintenant. Je peux cependant encore compter sur eux en cette période compliquée, mais à distance.
***
Ce soir c'est la fête de l'école. J'aime bien m'y perde et puis, de toute façon, je n'ai pas le choix d'y aller. Nathan m'y attend de pied ferme. Ce que j'aime le plus, c'est la soirée qui suit le spectacle organisé par les élèves. En après-midi, chacun présente leur numéro et je les regarde faire, parfois avec des étoiles dans les yeux, parfois avec une gêne dans l'estomac. La salle du gymnase est plongée dans le noir, avec des projecteurs illuminant les artistes d'un soir. Les candidats suivants se mettent en place et les lumières se tamisent. Les danseurs portent un masque argenté. Seuls leurs corps les définissent à travers des mouvements de breakdance. La foule est en délire et les cris esthétiques des filles qui m'entourent me font comprendre qu'ils étaient attendus. Les minutes se déversent sous les flots de musique qui finissent par se terminer en bouquet final. Ils enlèvent leur masque pour saluer la foule et je le vois. À cet instant, tout mon corps est envahi d'un message que seules les ondes me transmettent. Quoi qu'il arrive, il doit faire partie de ma vie.
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Tout ira bien
RomanceJade est une jeune étudiante en dernière année d'études générales. Chaque nuit, depuis une semaine, un rêve la réveille au beau milieu de la nuit, la laissant dans un état indescriptible. Très vite, elle se rend compte que ces images sont plus qu'un...