KATHLEEN
J'ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Quand je me suis retrouvée face à la voiture qui m'a percuté, le court-métrage de mon existence a filé à une vitesse folle dans mon esprit jusqu'au moment de l'impact. Je ne me souviens de rien, si ce n'est d'avoir pensé que c'était la fin et que j'allais mourir. En ouvrant les yeux, je ne m'attendais pas à me trouver sur un lit d'hôpital, aveuglée par les néons blanc perchés au plafond. Je me sentais comme un poids mort, le corps lourd et les membres engourdis, incapable de garder les paupières ouvertes. J'ai bien entendu une voix m'appeler, les machines auxquelles j'étais reliée s'affoler, mais j'étais trop faible pour lutter. Je suis tombée dans un profond sommeil qui, d'après l'infirmière, a duré une bonne semaine. Michael serait resté jour et nuit à mon chevet, mais quand j'ai ouvert les yeux pour de bon, il n'était pas là.
Je suis restée sept jours de plus en observation à l'hôpital, jusqu'à ce que je sois capable de m'alimenter correctement et de me lever seule. À cause de la commotion cérébrale, j'étais étourdie à chaque fois que je posais le pied par terre. Jai réussi à marcher sans avoir le tournis au bout du sixième jour. La pire des douleurs reste celle dans mon dos. Elle est parfois si intense que je suis à deux doigts de faire un malaise. Heureusement que les sédatifs sont puissants et font effet rapidement, même si je suis plutôt réticente à les utiliser. Michael a insisté pour que je vienne vivre quelques temps à Hayvenrust avec lui afin qu'il puisse me surveiller au cas où il m'arrive quelque chose, mais j'ai refusé. Je ne veux pas dépendre de lui. J'avoue avoir du mal à lui accorder ma confiance de nouveau. Il avait promis de me protéger, et pourtant... voilà où nous en sommes.
Après trois bonnes semaines de convalescence, me voilà de retour à l'atelier. Comme j'ai hâte de reprendre la couture ! J'ai eu le temps de travailler sur plusieurs croquis pendant mon temps de repos et il me tarde de les voir prendre vie, en espérant que mon dos ne me pose pas de problèmes. Dennis et Bush ne voulaient pas que je reprenne aussi tôt, mais je ne leur ai pas laissé le choix. J'adore travailler avec eux. J'apprends beaucoup rien qu'en les regardant et je suis reconnaissante que la chance qu'ils me donnent pour exprimer ma créativité et me faire un nom dans ce milieu si fermé. Ils sont toujours là pour m'encourager, me soutenir ou défendre ma cause si besoin. Je n'aurais pas pu rêver mieux.
Je pousse discrètement la porte entrouverte de l'atelier où les deux stylistes me font dos. Posté dans l'encadrement, je toque trois coups sur le battant ce qui les fait sursauter et m'arrache un rire.
-Kathleen ! s'exclame joyeusement Bush en me prenant dans ses bras. Comme c'est bon de te revoir !
-Merci de nous honorer de ta présence, ajoute Dennis en me serrant contre lui. Quel plaisir de te revoir parmi nous !
-Moi aussi je suis contente de vous revoir, je leur souris de plus belle. J'ai hâte de reprendre le travail.
-Ménage-toi surtout. Si tu sens la moindre vague de fatigue monter ou une quelconque douleur, n'hésites pas à faire une pause. On ne t'en voudra pas, m'avertit Bush, concerné. Tu viens à peine de t'en remettre, ça risque d'être compliqué les premiers jours de la reprise.
-Je vais faire attention, c'est promis, j'acquiesce, rassurante. Ne vous inquiétez pas pour moi, ça va beaucoup mieux. Si je ne le sentais pas, je ne serais pas revenue.
-Bien, conclut Dennis. Mmh, dis-moi, tu as eu des nouvelles de Michael, ces derniers jours ?
-Oui oui, je l'ai au téléphone plusieurs fois par jour, pourquoi ?
-Pauvre garçon, ajoute Bush, si tu savais comme il se sent coupable de ce qui t'est arrivé.
-Il paraît, oui... je soupire en faisant la moue.