Juin (4)

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LA VIE NE TIENT QU'À UN COUP DE FIL

La bouche entrouverte, les yeux fixant le bout de papier devant moi, je restai abasourdie plusieurs minutes.

— Tu penses que c'est une de tes élèves, lui chuchotai-je encore sous le choc.

— Je l'ai retrouvé dans ma classe, à côté d'une fenêtre dans le fond, alors je pense que oui.

Sa tête bougea seule comme si elle était bloquée.

— Tu n'as pas remarqué de comportement bizarre d'une de tes élèves ? Lui demandai-je en repoussant ma tasse de thé, cette lettre m'avait retourné l'estomac.

— Pas vraiment, non. Elle réfléchit, ses yeux allèrent et virent dans la salle où nous nous trouvions. Mais peut-être qu'elle est aussi dans ta classe. exposa-t-elle.

Son hypothèse fronça mes sourcils, j'essayai de chercher une explication en vain. En reprenant le papier dans mes mains, je pus sentir le désespoir de cette élève. Le papier paraissait fragile, pouvant se déchirer au moindre mouvement brusque.

Et si cette jeune fille avait déjà commis l'irréparable ? Et si ?

Non, avec des si nous referions le monde.

Le temps presse et peut-être que cette élève n'était déjà plus. Peu importe s'il était trop tard ou non, l'incertitude qu'elle soit encore là m'encouragea.

Je rapprochai ma chaise au maximum de la table, mes lunettes de lecture sur mes yeux, j'examinai avec minutie l'écriture de la jeune fille. Elle me donnait cette impression de déjà-vu. Cette lettrine me paraissait familière, aussi soignée et appliquée, je la connaissais. Je couvrais de nombreuses classes du collège, deux de 6e , deux de 5e et une de 4e. J'éliminai très rapidement mes élèves de sixième. Au vu des tournures de phrases, ils semblaient trop jeunes pour écrire une lettre dans ce genre. Il me resta trois classes. Trois classes avec environ une vingtaine d'élèves chacune. 60 élèves. Étant donné que la lettre fut signée « votre fille », j'éliminai la moitié de mes élèves. Il ne me resta qu'une trentaine de possibilités. Et parmi ce nombre, une seule était l'auteure de cette lettre.
Sans perdre une seconde, je me retournai et récupérai mon cartable pour en sortir la pochette où mes dernières copies de mes quatrièmes y demeurèrent. Mon instinct me souffla que cette élève se trouvait dans mon tas d'évaluations que je devais corriger dans la semaine.

Avec l'aide de ma collègue encore dépassée par la situation, nous feuillâmes toutes les copies des filles avec l'espoir qu'une des lettrines correspond à celle du mot.

Nos tas furent presque achevés, il ne nous restait plus beaucoup d'espoir de la trouver, cependant nous n'abandonnâmes pas.
— Attends, ma collègue me stoppa, se retournant vers moi, son teint devint livide, ses yeux transparurent l'horreur. Je crois que je l'ai trouvé.

À la simple entente de cette hypothèse, je lâchai les dernières feuilles qui me restaient et me rapprochai d'elle, lui prenant la copie qu'elle tenait entre ses mains et récupéra la lettre dans l'autre. 

Ça correspondait !

Un sentiment de soulagement se fit ressentir dans mon esprit en comprenant qu'il y avait peut être une chance que nous puissions la sauver. En balayant mon regard, je découvris sur le nom de la jeune fille.

Rose Sorena

Avec effroi, je constatai que c'était bien une de mes élèves. Les paroles de mon élève ressurgissent : « J'ai l'impression qu'elle ne va pas bien du tout ». Rose Sorena, une adorable élève toujours très sérieuse pendant les cours. Seulement, depuis quelque temps, son attitude avait changé et son camarade l'avait remarqué. À mon tour, un changement m'avait alerté, pour autant, j'avais mis cela sur le compte de la fatigue. Si seulement, j'avais insisté ou écouté mon élève sur son inquiétude face à sa camarade.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant