Giana s'engouffra dans le sombre couloir qui se présenta à elle, le sang glacé par le silence de mort qui y régnait.Plus elle descendait les marches de pierre qui la menait de plus en plus profondément dans les entrailles de cette villa, moins elle sentait son cœur serein. Ce dernier martelait sa cage thoracique comme un dingue et tellement fort, qu'elle le sentait battre à ses tempes.
À la moitié du chemin, elle ne fût plus capable de respirer normalement. La peur lui broyait les tripes et l'effroi la paralysait presque, l'empêchant de se servir de sa tête comme elle l'aurait voulu. Tout était trouble en elle, flou, saccagé, déchiré comme si un camion l'avait renversé de l'intérieur. C'est à peine si elle savait encore ce qu'elle était venue foutre ici. Pour voir Santiago, oui et ensuite ? Que se passerait-il quand elle l'aurait en face d'elle ? Giana n'en avait pas la moindre idée. Elle se sentit oppressée, et irrémédiablement en danger. Cette angoisse fut la plus horrible de toutes.
Il lui fallut prendre un moment afin de retrouver son plein potentiel à pouvoir réfléchir. Un moment pour souffler. Un moment pour virer de son cœur les craintes qui l'empêchaient d'avancer.
Tous ces signes auraient pu la convaincre qu'il valait sans doute mieux pour elle de renoncer à cette idée folle, mais Giana s'en contreficha.
La peur au ventre, elle descendit l'ultime marche et poussa la seule porte en métal qui la séparait encore de Santiago. Une fois celle ci ouverte, elle fut accueillie par une odeur nauséabonde qui lui agressa les narines. Giana plaqua ses mains contre sa bouche et son nez, le cœur au bord des lèvres, prête à dégueuler son dernier repas. Un mélange de chairs décomposés associé à des relents d'urine et de vomissure flottait dans l'air de manière lourde et quasi présente. Ça sentait la putréfaction, la torture, la douleur, le mal... La mort.
L'espace d'une seconde, Giana cru être de retour dans le sous-sol d'Isadora. L'absence de chaînes à ses chevilles, d'entrave en cuir autour de sa gorge, l'aida à mettre un pas devant l'autre. Elle n'était ni captive, ni victime ici. Les rôles se trouvaient être inversés. Il n'y avait pas de quoi se sentir prisonnière dans cet endroit lugubre, un poil humide et nauséabond.
Du nerf Gia !
Braver cet interdit là lui coûta de passer outre ses propres peurs, outre les recommandations sévères de son homme et outre les souvenirs traumatisants qui pulsèrent au fin fond de son crâne. En dépit de l'odeur infect, elle s'aventura plus loin qu'elle n'aurait dû, guidée par la faible lueur des quelques ampoules clignotantes accrochées en ligne droite au plafond. Elle arriva sans encombres -ou presque- devant une cellule. La cellule. Cette cellule qu'elle s'était imaginée tant de fois quand elle avait compris que l'auteur de sa cicatrice était retenu prisonnier là, dans sa maison, tout juste sous ses pieds, à souffrir de la vengeance de Lissandro.
Craignant de réveiller la masse de muscles endormie sur le béton crasseux sur lequel il était étendu, Giana s'abstint de respirer sans vraiment s'en rendre compte.
Une lanterne électrique accrochée au mur projetait des ombres sur son dos large tourné vers Giana. Ces ombres qui suivaient les courbes de ses muscles saillants ne le rendaient que plus effrayant et beaucoup plus intimidant. Elle eût beaucoup de mal à décoller ses yeux de son corps ensanglanté et mutilé. Nu comme un ver, il semblait plus vulnérable que jamais, d'ailleurs il l'était pourtant, Giana sentit l'intérieur de tout son être trembler lorsqu'elle le vit bouger après une éternité passée à l'observer comme si elle avait sous les yeux, un spécimen extrêmement rare. Elle se perdait entre doutes, peurs, dégouts, colère et empathie, sans trop savoir quoi ressentir. Ses émotions se dispersaient, vibraient et se révoltaient.
Giana déglutit péniblement, le souffle court et irrégulier.
Sur le chemin de son long réveil, Santiago expira bruyamment, arrachant à son observatrice un sursaut digne de ce nom.
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Gia et Le Soldat
Любовные романыÀ vingt-trois ans à peine, Giana Bertolini se retrouve veuve et enceinte de six mois de son défunt mari Dario, mort, au combat en Irak. Après deux mois de deuil et une dépression qui ont failli lui coûter la vie à elle et son bébé, elle décide de se...