La vengeance de Valentina

[Partie I] III - Luca

Adossé au comptoir de la cuisine, je bois ma tasse de café fumante. Pour être plus précis, la cinquième depuis minuit. Et il est à peine six heures. Sara est rentrée vers deux heures, cette nuit, d'une intervention dans le quartier de Wakefield. Elle n'a pas été surprise de me trouver éveillée sur le canapé. Comme chaque année à cette date, c'est une nuit blanche qui se répète. Depuis quatre ans que nous vivons ensemble, elle a compris qu'elle ne pouvait rien faire pour moi. Souvent j'essaye d'être de garde cette nuit-là. Ça m'évite de trop cogiter.

Je regarde mon téléphone qui vient de vibrer. Mon capitaine m'envoie sur l'incendie de Wakefield pour déterminer les causes de l'incendie et y retrouver mon lieutenant préféré, Alysson Hurst, la sœur de mon meilleur ami, Ethan. Je lui envoie un message rapidement pour la prévenir que j'y serais aux alentours de huit heures. Je termine ma tasse de café et remet une cafetière à tourner. Il me faudra bien plusieurs doses aujourd'hui.

Je m'éclipse rapidement pour prendre une douche, espérant ainsi chasser les pensées qui me hantent chaque nuit. C'est une double peine : le sommeil m'abandonne, et les mêmes images obsédantes tournent en boucle dans mon esprit. Cela fait maintenant vingt-deux ans qu'elles se sont enracinées en moi, et ces vingt-deux années ont laissé des marques indélébiles, particulièrement en cette date funeste. J'étais alors un simple enfant, pas encore âgé de sept ans, mais ces souvenirs sont demeurés ancrés dans mon esprit et dans mon cœur.

Ma douche terminée, je m'habille, m'assois au bord du lit et passe ma main dans la chevelure blonde de Sara. Elle est si belle. Quelle chance j'ai de l'avoir rencontré ! Je suis sûr qu'elles se seraient bien entendues, surtout pour m'en faire voir de toutes les couleurs ! Mes caresses la réveillent en douceur. Et si je m'en veux toujours de la sortir de son sommeil après une nuit d'intervention, je sais aussi qu'elle m'en voudra si je file comme un fugitif.

— Humm... tu pars déjà ?

— Oui ma belle. Je dois retrouver Alysson sur ton inter de cette nuit.

Elle se relève un peu pour venir poser sa tête contre mon torse. J'enroule mes bras autour d'elle et cale ma tête sur la sienne.

— C'était pas beau à voir, dit-elle tristement.

— Je sais, dis-je en embrassant sa tête. Toujours la même configuration ?

— Oui. J'ai compris qu'on avait affaire au même type en entrant dans le salon. Enfin, ce qu'il en restait.

— On finira bien par l'avoir, dis-je en resserrant mon étreinte.

Elle baisse son regard et pose sa main sur son ventre. La mienne la rejoint. A l'intérieur, une vie y grandit depuis bientôt cinq mois. Je n'ai jamais été aussi heureux que le jour où elle me l'a annoncé. Je l'ai prise dans mes bras pour la faire tournoyer dans les airs. Et depuis, je ne passe pas une journée sans caresser son ventre et l'observer sous toutes les coutures, appréciant le renflement se former. J'ai hâte de sentir les premiers coups de pied.

— Tu vas peut-être me trouver cruelle, dit-elle doucement, mais au fond, je remercie ce type de ce qu'il fait.

— Il n'y a rien de cruel. Ces mecs sont des ordures. Moi-même je crois que je pourrais les buter.

— Comment peut-on protéger les enfants contre des types comme ça ?

— Je ne sais pas si quelqu'un a la solution. Mais nous ferons tout ce qu'il faut pour protéger le nôtre, dis-je en caressant son ventre.

Elle se blottit un peu plus contre moi. J'aimerais lui promettre qu'il n'arrivera rien à notre enfant, mais je sais dans quel monde nous vivons. Entre mon passé et ce que je découvre dans notre quotidien de pompier, sans compter les histoires que nous racontent Ethan et Alysson, il est difficile de croire en un monde meilleur. Reste à donner toutes les cartes à notre futur enfant pour l'aider à grandir dans ce monde.