Fouilles

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Les recherches ont commencé. Depuis le soir aux archives, Aharon avait commencé les fouilles. Acte de naissance, passeport, carte d'identité, acte de décès. Beaucoup de choses manquaient à la liste. Pas d'acte de naissance, et encore moins de papiers d'identité. Aucune trace de cette femme dans l'Histoire. Puis, comme par hasard sur l'article, aucune indication de son nom n'avait été donnée, seulement la manière dont elle avait été tué. Aharon ne connaissait pas cette femme, il ne l'avait vu que dans des rêves, et pourtant il savait que sa mort n'était pas à un accident comme les journaux l'avaient laissé croire. Tout lui disait qu'il devait finir en aide à cette femme. Sauf qu'il y avait un problème, comment venir en aide à une personne qui est morte ? Il nageait dans un cauchemar, et les étoiles tournaient au dessus de sa tête. Il ne dormait plus depuis des jours, et cette disparition, si soudaine, commençait à lui monter à la tête. Et d'un seul coup tout s'arrêta, un instant juxtaposé entre le passé et le présent, les minutes s'étaient arrêtées, les secondes avaient fini de s'écouler. Tout était devenu si flou, si brouillé. Le ciel venait de s'ouvrir sous ses pieds.


Une nuit si froide, si tourmentée par tant d'histoires. Une nuit si glaciale, que votre souffle vous fait mal. Chaque membres, chaque extrémités ne peuvent plus bouger. Vous êtes nu face à elle. Elle connaît toutes vos faiblesses, vos désirs, vos espoirs, vos craintes. Et aujourd'hui, elle se retourne contre vous, et vous fait subir ce que vous lui avez fait subir. Elle veut vous faire souffrir, autant que vous lui avait fait. Elle veut vous voir pourrir doucement, pour après mieux vous achever. Elle vous achèvera avec sa grande hache, vous ne la verrez pas venir, mais par contre, vous la sentirez très bien. Une coupe droite et nette. Sous un ciel teinté, parsemé de petits éclats de lumière, elle t'attendra. Tu ne pourras pas faire demi-tour, il sera trop tard. Ton heure sera venue. La nature sera morte autour de toi aussi, la froideur de la nuit aura tout détruit. Aucun sang ne coulera ce soir là, aucune larme ne tombera. Pas un seul bruit ne retentira, aucun vol ne se fera. Ce moment se détachera du temps, pour finalement disparaître et s'inscrire dans des lignes.


Une nuit argentée où les étoiles brillent et se mêlent aux larmes que déverse le ciel. Des larmes de lumière, éclatantes et froides. Le ciel s'est enfin ouvert sous tes pieds. Halo blanc, lumière électrique. Tu sais, cette lumière qui enlaidit les femmes. C'est sous ce décor, sous cette lumière si fade, si glaciale que tu te souviendras de tout. Il s'en est allé, il s'est alors voilé. Tout comme ton visage qui est caché par ses cheveux si intenses, si brûlants, si noirs. Ce n'est pas si triste, ce n'est qu'un moment qui se détache du temps. Ce n'est pas si douloureux que l'on pourrait croire, enfin surtout qu'ils laissent imaginer.


"Je ne veux pas que tu pleures, je t'ai fait tant souffrir. Je t'ai aimé, oui, mais sans amour il n'y a pas de guerre. Et sans guerre, il n'y a pas d'amour. Je t'ai battu aussi, oui. Je t'ai frappé parce que je t'aimais. Et parce que je t'aimais tu méritais ces coups. Je n'ai pas été bonne avec toi, non jamais. Tu ne méritais pas.. Je n'ai pas été une bonne... Tu sais ? Je ne souffre pas, cela ne fait pas mal. Je méritais ça. Halo blanc, lumière électrique. Je me sens d'un coup si étrange, comme si tous mes organes avaient quitté mon corps. Comme si, mon esprit s'était, en quelque sorte, détaché du reste, mais maintenant que j'y suis, je voudrais que tu saches... Je... Enfin... Les mots deviennent tout d'un coup si amers, si tranchants. Tous me font souffrir, ils reviennent de si loin. A chaque parole que je prononce, je me consume petit à petit. Tu te souviendras de ce soir là, de ce vacarme, de ce silence qui fut d'un coup brisé. Les autres s'étaient réfugiés parce qu'ils savaient que l'orage venait et aller frapper très fort cette fois-ci, et qu'ils n'en sortiraient pas indemnes. Mais toi, toi ... Mon si beau... Mon tendre et cher... Peu t'importait dès lors, dès lors que tu en avais fini. Tu t'es rendu, tu as voulu voir, voir l'horreur, voir l'animosité qui s'empare de ces gens là, puis l'orage a frappé, et pour une fois tu n'as rien fait. Je suis rien, et tu es tout. Mais sans moi, tu n'es rien, et je suis tout. C'est ainsi que ça fonctionnait, avant... Le passé est passé, le présent que tu vis fait déjà partie du passé, car tu vis chaque jour dans le passé. Arrête de ressasser tes rêves, arrête de vouloir tout changer. Il en est ainsi. Je veux que tu m'oublies, parce que tu fais pourtant partie du futur. C'est sur ces morts, sur ces mots, que le futur se bâtira, et si ses piliers ne sont pas assez tenaces, si ses pieds ne sont pas solidement ancrés dans le sol, tout s'effondrera. Et ce seront des disparus, des pertes sans réelles causes, sans réelles conséquences qui s'oublieront. Des années que tant auront gâché. Vis. Vis mon fils. J'ai tant besoin que tu m'oublies. Ca y est, la lumière se rapproche. Je me sens... Si bien... Jamais je n'ai été aussi heureuse de ma vie. Oublie moi.. Je t'aime."


OrageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant