14- L'Insomnie des Âmes Tourmentées

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     Chaque soir, tout se répète. Que j'ai été triste ou joyeuse dans une journée ne changera rien au fait que je me répèterai toujours la même chose. Je me répète en boucle que ma vie aurait pu être mieux si je ne l'avais pas gâchée de mon propre gré. Je me demande souvent quels sentiments procure le fait de disparaître de ce monde. Je pense qu'on s'est tous posé cette question un jour. Mais je n'arrive pas à la sortir de ma tête. Je reste éveillée, les yeux rivés vers le plafond, m'enfonçant dans mon lit. J'aimerai tant m'endormir. Mais ma tête m'en empêche. Je n'e parviens pas à stopper mes pensées. Elles font battre mon coeur à tel point que celui-ci résonne dans ma poitrine. Je l'entend cogner, et mes paupières restent ouvertes quelques heures avant que je puisse vraiment tomber dans l'inconscient. Mais il y a une autre question que je me pose. Suis-je réelle ? Tout ce que j'ai vécu à présent fait vraiment parti de ce qu'on appelle la réalité ? Ou cela ne fait partie que de mon univers que je me suis créé pour échapper à cette réalité ? J'aimerai que tous les passages sombres de ma vie ne soient que le fruit de mon imagination. Mais j'ai toujours peur que tous ces moments que j'ai passés, entourée de mes amis, ne soient pas réels. Je sais au fond de moi que tout est bien réel. Mais comme je l'ai déjà dit, je suis incapable de stopper mes pensées. Elles restent incontrôlables. 

     Vous l'aurez compris je pense, mais j'ai toujours eu du mal à m'endormir. Chaque matin, j'ai le réflexe de me regarder dans le miroir. Chaque matin, rien n'est différent de la veille. Toujours ces cernes, formées à la fois par toutes mes pensées incessantes et par mes larmes inconscientes. Toujours ce teint blafard, comme si la maladie allait m'emporter. Alors que ma seule maladie est de me fatiguer mentalement. Je m'arme alors de mon anti cernes, dans le but de cacher la couleur bleutée de mon visage. Puis je prend du blush pour faire croire aux autres que mon teint rosé est naturel. Mais tout est faux. Tout ça n'existe que pour cacher ma fatigue mentale. Il en va de même pour mes symptômes physiques, tels que mes maux de tête, mes problèmes digestifs ou encore mes problèmes de concentration. 

     Je suis plus à l'aise lorsque je me met en boule et que je dors sur le côté. Le problème vient de mon coeur que j'entend battre à toute allure, lorsque mon oreille reste collée à mon oreiller. Je dors moins que d'habitude quand c'est le cas. Sachant que je ne dors que 3-4h par nuit habituellement, autant dire que je dors pas du tout. Rares sont mes longues nuits de sommeil. 

     J'aime rêver. Parce que j'ai l'impression de vivre des choses qui me sont inconnues et d'en ressentir toutes les sensations. Le rêve qui m'a le plus marqué date du collège.  J'ai toujours eu l'impression qu'aucun garçon ne m'aimerait pour ce que je suis et que seul mon corps les intéressait. Je pense que cette façon de voir les choses est ce qui m'a amené à faire ce rêve. C'est celui qui m'a fait croire en l'existence des âmes sœurs, en l'existence du véritable amour. Il y a eu une période où, chaque fois que je fermais les yeux, je le voyais : Ce garçon au visage caché par les rayons du soleil. J'ai vécu un tas de choses avec lui. Il m'a réconfortée en me prenant simplement dans ses bras alors que je pleurais à chaudes larmes; Il m'a emmené à l'infirmerie, voyant que ma santé mentale me tuait à petit feu; Il m'a pris dans ses bras, me laissant l'occasion de m'y blottir et d'y rester pendant des heures; Il est venu me voir alors que j'étais complètement seule. C'est comme si je vivais deux vies différentes. Je ferme les yeux et je vis le grand amour avec un garçon dont je ne connais pas l'identité. Je les rouvre et il disparaît. Puis, un jour, je ne l'ai plus jamais revu. Je suis arrivée au lycée et ce garçon n'est plus jamais apparu dans mon esprit. 

     J'aime rêver. Mais j'ai fait plus de cauchemars que de rêves. Et il y en a un en particulier que je ne parviendrais jamais à effacer de ma mémoire. J'étais dans une voiture, en compagnie de mon frère et de mon père. Comme à mon habitude, j'étais à l'arrière, un casque aux oreilles pour me couper du monde. Puis la voiture s'est arrêtée. J'ai ouvert les yeux et il faisait nuit noire. Puis mon père est parti, s'enfonçant dans une forêt lugubre à proximité. Ne revenant pas, mon frère est également parti, me laissant complètement seule. J'avais peur. La voiture s'est alors mise en marche et a avancé toute seule. Bien sûr, j'étais jeune. Alors je ne connaissais rien aux voitures. J'ai actionné un levier et la voiture s'est mise à reculer. J'ai recommencé et elle s'est alors avancée. Encore une fois, j'ai fait reculer la voiture. Cependant, celle-ci s'est reculée assez vite pour que je m'enfonce dans mon siège. Je ne mis pas longtemps avant de me rendre compte qu'une barre de métal avait transpercé ma chair. Je l'ai sentie traverser chacun de mes organes. Cela n'a duré qu'une seconde. Mais je n'en avais pas l'impression. J'avais été abandonnée. Le corps inerte, j'ai fermé les yeux une dernière fois et poussé mon dernier souffle dans une totale solitude. Puis je me suis réveillée, me rendant compte que tout cela n'était que le fruit de mon imagination. 

     Je peux prédire les rêves que je pourrais faire à l'avenir. Simplement parce que je me suis rendue compte qu'ils n'étaient que le reflet de mes peurs et désirs les plus profonds. J'ai depuis toujours fait des cauchemars dans lesquels je finissais par mourir. Sans doute parce que j'ai toujours eu peur de la mort. Une amie m'a récemment fait remarquer une chose. Mon prof de littérature nous a dit qu'on apprenait souvent plus d'un auteur en lisant ses romans que son autobiographies, parce qu'inconsciemment, l'auteur met une partie de lui dans ses personnages. Je n'étais pas complètement d'accord avec ça, étant atteinte d'un trouble de la personnalité multiple dont j'ai moi-même conscience. Mais j'avais tort. Alors que je l'ai informée de ma peur de la mort, Zoé m'a fait remarquer que cette peur était en fait la raison même de ce pourquoi mes écrits ne se finissent pas bien. J'imagine souvent la mort de mes protagonistes, ou celle d'un des personnages emblématiques de l'histoire. Et je ne parle pas seulement de la mort à proprement parler. Je parle également de la mort intérieure que peuvent ressentir mes personnages. Elle avait raison. Je comprend enfin pourquoi mes personnages sont tous aussi nostalgiques les uns que les autres. 

     Je rêverai toujours de ma mort, parce que j'ai peur de celle-ci. Je sentirai mon souffle se couper, mon corps se désagréger, ma conscience mourir avec moi. Je rêverai de ma mère, espérant qu'un jour elle puisse revenir. Alors que je sais pertinemment qu'elle ne reviendra jamais, peu importe à quel point je le désire. Je rêverai d'une autre version de moi, malveillante et battant l'Homme. Parce que j'ai peur de la violence. Je ne supporte pas que quelqu'un élève la voix sur moi, car j'ai toujours eu peur qu'une telle colère s'ensuive de coups. Je rêverai d'une autre version de mon père. Une version avec qui je ferai plein de chose, avec qui je parlerai pendant des heures. Tout ce que je ne fais pas dans la réalité. Je rêverai du beau temps. Parce qu'il pleut toujours dans ma tête. Et que cette pluie s'accompagne d'un épais brouillard qui ne s'évapore pas, peu importe à quel point je souffle pour le faire partir. Je rêverai de me faire un câlin. Parce que j'aimerai m'accepter comme je suis. Je voudrais être aussi compréhensive et bienveillante avec moi-même que je le suis avec les autres. 

     Maintenant, tout le monde sait. Tout le monde voit et connaît la douleur et le poids de mes pensées. Je me dévoile un peu plus à chaque seconde. J'ai peur de me dévoiler. Mais je le fais pour moi. Pour enfin accepter celle que je suis devenue. Pour enfin m'aimer, en quelque sorte. 

Céleste et la Fleur du Bonheur [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant