Nous nous lancions un regard d’étonnement avec Lana, je n’étais pas allé aussi loin dans ma lecture.
« Hum… palpitant, ironisa Boris et continua : cela annonçait que Deslo, le cousin de mon époux, nous déclarait la guerre, depuis les quinze disparitions d’adolescents dans la forêt, pour le sacrifice aux puissances obscures, nous savions qu’il rechercherait notre fils… ».
Ce que lisait Boris m’interpella, les quinze disparitions d’adolescents dans la forêt, c’était complètement fou. Nous étions en train de vivre exactement la même situation.
« On avait un deal les gars, c’est bon, lâchez-le ! intervint Yann en arrachant le carnet des mains de Boris. »
Quel revirement ! Yann prenait ma défense contre ses propres amis. Nos regards se croisèrent et je sentis une sorte de gêne dans les yeux de Yann qui portait un visage encore légèrement tuméfié.
M. Baudry débarqua de nulle part et retira le carnet des mains de Yann avec une grande habileté : « Que tout le monde retourne à une occupation plus intelligente. Maxime, suivez-moi s’il vous plaît, m’ordonna-t-il en gardant avec lui mon carnet. »
Je ne me fis pas prier, il fallait que je récupère à tout prix le journal de mamie Ada. Il m’invita à entrer dans sa salle de classe, les volets étaient à moitié fermés et ne laissaient passer qu’une petite lueur du jour. Malgré la sonnerie qui annonçait la reprise des cours, il m’invita à m’assoir en face de lui.
− Pouvez-vous me rendre mon carnet, je dois retourner en cours ?
− Le cours de mathématiques attendra… Maxime, nous devons parler de ce journal.
− Vous voulez que je sèche le cours de Mme Froissart ?
− Je m’occuperais de ton absence en plus de celle de ce matin, dit-il en levant les yeux en l’air.
Je ne pouvais pas refuser cette offre, M. Baudry s’assit à son bureau, un bracelet en or gravé était posé sur son bureau et attira mon attention. On aurait dit qu’il était transparent, je le trouvais très beau, je n’avais jamais vu un truc pareil.
M. Baudry prit soin de garder très précieusement le carnet entre les mains. Je pris une chaise et je m’installai en face de lui. Il resta d’abord silencieux en feuilletant le carnet, puis il m’observa un moment, son regard curieux me mettait mal à l’aise.
− Il est impossible que ce soit ton grand-père qui te l’ait donné, est-ce ta grand-mère qui te l’a offert avant de… avant son départ ? m’interrogea le professeur.
− Je l’ai trouvé dans ses affaires, je crois qu’elle voulait me le léguer, mais rassurez-vous, ce n’est rien d’important. Ce sont juste des écrits, elle aimait ce genre d’histoires.
L’homme se redressa et posa ses coudes sur la table : « C’est bien plus que ça, Maxime ! J’étais proche de ta famille avant d’arriver ici… Très ému, l’homme s’arrêta et baissa la tête. Ça fait longtemps que ta grand-mère souhaitait t’en parler, il était urgent de te révéler ton histoire et celle de ta famille. Alors je vais aller droit au but parce que le temps nous est compté. Toi, ta famille, moi et plein d’autres ne venons pas de ce monde, mais d’un autre. Marlavant, est-ce que ce nom te parle ? »
J’écoutais attentivement M. Baudry. Est-ce que le fait de parler de Marlavant m’étonnait ? Loin de là ! Désormais, je savais que le professeur Baudry pourrait être la personne qui m’en dirait plus sur ce monde, mes origines, les veneurs de l’ombre et les disparitions.
− Oui, j’ai entendu parler de ce monde, ma grand-mère l’a déjà évoqué, la femme du commissaire Manda aussi.
− Même si les écrits de ta grand-mère te semblent saugrenus, tu viens de là-bas, Maxime. Les adolescents qui disparaissent les uns après les autres, enlevés par les veneurs de l’ombre : ce sont des rites sacrificiels pour réveiller quelqu’un d’enterré dans les ténèbres depuis au moins cent ans.
J’avais l’impression d’être embarqué dans une sale histoire malgré moi. Mais je voulais vraiment en savoir davantage sur mes origines, mes rêves qui devenaient réalité, cette vision de Véra et maintenant Lana qui était potentiellement en danger. C'en était trop, je décidai de me lever et je m’apprêtai à quitter la salle sombre avant de me tourner vers M. Baudry :
− J’suis désolé, monsieur, mais je ne me sens en rien concerné par tout ça. Toutes ces histoires c’est juste de la folie, vous ne trouvez pas ?
− Sache que les corbeaux qui se sont écrasés contre ces vitres la dernière fois, ils étaient là pour toi, dit-il en pointant du doigt les fenêtres de la salle. Tu ne veux vraiment pas savoir pourquoi ?
M. Baudry semblait vraiment sérieux, alors je retournai sur mes pas et je m'assis sur une chaise en face de son bureau.
− Dites-moi…
− Tu viens d’avoir quinze ans, il me semble. Tu hérites donc de l’hamlus de la maison des Sardt. Un aigle royal a par ailleurs fait son apparition à Marlavant, un ami m’a apporté la nouvelle…
− Un hamlus, bien sûr ! narguai-je.
− Un hamlus, jeune homme, est un animal ancestral qui protège une famille toute leur existence, il n’en existe qu’à Zénildor.
Mon pouls accéléra soudainement, mamie Ada m’avait également parlé du pays de Zénildor.
− Est-ce que c’est le pays d’où viennent mes parents ?
− En quelque sorte, Maxime, répondit M. Baudry en esquissant un sourire, tu commences à saisir. Zénildor est un pays du monde de Marlavant, ton père en était l’héritier. Maintenant, c’est toi qui portes l’hamlus de l’aigle.
− Pourquoi en serais-je l’héritier tant que mon grand-père est toujours vivant ? C’est lui le maître de Zénildor.
− Pas tout à fait, il a coupé le lien avec les aigles et a décidé de fuir Marlavant avec toi, pour toi. L’homme dont parle ta grand-mère dans son journal, Deslo, cousin de ton grand-père et maître de la maison des corbeaux, est devenu maître de Zénildor, il a poussé violemment ton grand-père vers la porte, il a également fait ordonner que tous les aigles soient abattus.
− D’où les attaques de corbeaux… Mais pourquoi il s’en prendrait à moi ? Je veux dire… je ne suis en rien une menace pour lui.
− Tous les aigles sont des ennemis pour ton grand-oncle. Pas un seul héritier de la maison des aigles ne doit vivre.
− Comment il sait que je suis là ? Comment ils m’ont trouvé ?
− C’est une bonne question ! Eh bien, probablement un espion ! dit le professeur en haussant les épaules. Boris l’a lu dans le carnet, l’histoire se répète. Des corbeaux vous ont attaqué ton grand-père et toi, des adolescents disparaissent dans la forêt, tout se répète exactement comme il y a seize ans.
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Marlavant - Le cœur de la forêt - T1
FantastiqueMaxime, un adolescent harcelé à l'école, se lance dans une quête pour découvrir son identité lorsque des jeunes commencent à disparaître mystérieusement dans sa ville. Avec l'aide de son amie Lana, ils enquêtent et découvrent que les disparitions so...