Chan avait passé quatre jours enfermé dans son atelier. Il avait peint, encore et encore. Les formes et les couleurs venaient toutes seules, comme s'il n'était plus maître de ses choix, maître de son corps. Les toiles s'étaient accumulées ; une, deux, trois… Il avait arrêté de compter. Il les avait déposées sur un côté de la pièce et, de temps en temps, il leur jetait un coup d'œil. Il était fier de ses créations, fier de ce qu'il avait réussi à produire en si peu de temps. Un tel élan de créativité ne l'avait pas submergé depuis bien longtemps. D'ailleurs, il ne se souvenait même pas avoir autant été transporté par la peinture un jour. C'était une sensation nouvelle, mais terriblement grisante. Il s'était arrêté très peu de fois, juste pour grignoter quelque chose, fumer une rapide cigarette, ou prendre une petite douche. Il n'avait pas eu le temps de cogiter, de s'apitoyer sur sa pauvre vie d'artiste raté. Il avait fait ce qu'il avait à faire, ce qu'il avait envie de faire. Besoin de faire. Peindre n'avait jamais été aussi naturel que durant ces derniers jours. Il s'était senti vivant. Il avait ressuscité, tout comme sa passion pour la peinture.
Cependant, cet engouement intense n'allait pas durer éternellement. Aujourd'hui, en se levant, le jeune homme s'était senti vide. Il avait déambulé jusque dans la cuisine pour manger un peu et avait allumé une cigarette. Tout était devenu fade. Au fond de lui, il ressentait un manque, un creux dans son cœur. La flamme qui l'avait animé semblait s'être éteinte. Il ne voulait pas y croire. Il rejoignit son atelier et observa longuement ses récentes toiles. Elles étaient si belles… Elles dégageaient quelque chose de mystérieux, mais de terriblement attirant.
Chan attrapa un nouveau canevas et le plaça sur le chevalet. Il prépara le reste de son matériel, mais ses mouvements étaient ralentis. Il trainait les pieds, bougeait lentement, comme si ses membres étaient engourdis. Dans son esprit, le vide. Il ne pensait à rien, que ce soit bien ou mauvais, il était juste absent. Il s'installa sur le tabouret en métal et saisit la palette ainsi qu'un pinceau. Il donna les premiers coups et s'arrêta. Un long soupir lui échappa. Que lui arrivait-il ?
Il resta figé pendant d'interminables secondes, observant ce qu'il venait de faire. Et il trouvait ça d'une laideur sans pareille. Ses traits étaient incertains, les couleurs étaient quelconques et ternes. Ce n'était pas du tout comparable à ce qu'il avait produit durant quatre jours. Il retombait dans ses travers, dans sa médiocrité, dans son ennui. Tout n'était que vide. Insipide. Sans relief. Dépourvu d'éclat. Il se força tout de même à continuer, il essaya de se convaincre que ce n'était qu'une phase qui finirait par disparaître.
Le pinceau glissa sur la toile, de gauche à droite, de bas en haut. Les couleurs se posèrent en bandes, en courbes, en points. Bientôt, le blanc du canevas disparaîtrait, recouvert par la peinture. Vu de l'extérieur, Chan avait l'air d'être en pleine frénésie artistique. Son bras droit remuait dans des gestes précis, parfois souples, parfois brefs. Le bruit des poils imbibés de peinture se heurtant au tableau venait briser le silence de l'atelier. Pourtant, Chan était épuisé, dépourvu de toute envie et de toute motivation. Son inspiration était réduite à néant. Il n'y avait plus rien. Plus rien du tout.
De rage, il donna un dernier coup de pinceau en plein milieu, s'assurant que son tableau qu'il trouvait déjà sans intérêt le soit encore plus. Il jeta son outil de travail à travers la pièce et lâcha un râle de frustration. Les poings serrés, la respiration forte et saccadée, il envoya valser son œuvre du chevalet. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il avait été en mesure de travailler plusieurs jours de suite en étant satisfait du résultat et ce matin, il était incapable de se débrouiller pour sortir quelque chose d'au moins correct. Soudain, l'image de l'inconnu blond s'immisça dans son esprit. Il secoua la tête pour la chasser. Pourquoi revenait-il comme ça, d'un seul coup ? Il avait arrêté d'y penser une fois qu'il s'était enfermé dans son atelier, et il voulait vraiment ne plus se rappeler de ce réveil. Il ne voulait pas faire le lien entre ce jeune homme et son pic instantané d'inspiration. Ça n'avait aucun sens. Il avait juste fait une connerie en couchant avec lui. C'était du passé maintenant et il devait arrêter de se poser des questions. C'était insignifiant. Il lui restait juste à oublier. Mais la tâche était peut-être plus ardue qu'il n'y paraissait.
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PAINT ME (naked) ➹ hyunchan
FanfikceBang Chan est un artiste raté, incapable de marcher sur les traces de son père, célèbre peintre. Rien ne fonctionne pour lui, et les soirées trop arrosées auxquelles il participe ne l'aident pas non plus dans sa démarche créative. Sur le point de ba...