2005

9 2 0
                                    

J'habite une maison trop vide
Je suis de moins en moins timide
J'ai décidé d'm'en foutre un peu
J'ai compris les règles du jeu...
Deux gamins crèvent dans un transfo
Moi aussi j'aurais pu m'transfo !
Et les machines pleuvent d'en haut
J'ai tell'ment de choses à laver !
Chez moi y a des odeurs de fêtes
Ça danse au milieu du salon
Moi j'écris mes premières lettres
J'invente juste les prénoms...
Ceux de Zyed et de Bouna
Je ne les ai pas inventés
C'était sûr'ment des mauvais gars
C'est ce que me crie la télé !
Je laisse pousser mes cheveux
J'en ai assez d'm'évanouir
J'ai besoin que d'un stylo bleu
Pour dessiner mon avenir...
Nadal frappe un premier coup droit
Moi je subis quelques revers
J'croyais qu'l'amour c'était la loi
J'ai dû lire un truc à l'envers...
La France a peur, pas autant qu'moi
Que nous restera t'il de ça
Après les cris et puis les larmes
La vie c'est pas juste les drames !
J'veux ressembler à Kurt Cobain
Alors j'me fringue un peu comme lui
J'me dit que dans l'fond de mes veines
Coule du Pennyroyal Tea...
Chirac est encor' président
Les Fils de France sous la pluie
Élu à 80 pour-cent
Il nous a dit « j'vous ai compris » !
Y'a c'gars qui passe le karcher
Dans les cités, dans le béton
Qu'il vienne déjà par chez nous
Fair' redescendre la pression !
Clichy qui brûle c'est un cliché
Dans les campagnes on est fiché
Le bleu du ciel se mélange
Aux rayons de nos herbes vertes...
Il n y a rien qui vous dérange
Quand les couteaux tracent les lettres
Des abandons sur les poignets
Aux rivières de nos eaux salées...
Il n y a rien qui vous dérange
Car nos fenêtres sont trop basses
Et quand on jette nos pétanques
Il n y a que nous que ça fracasse !
J'apprends des formules par cœur
Pour qu'on me laisse un peu tranquille
Je vois les images à vingt heures
Les flammes au fond des pupilles...
La France vote pour le Non
Au traité constitutionnel
Ma mère vote pour son nom
Et redevient Mademoiselle...
Et dehors tout brûle déjà
C'est La Rumeur qui me l'a dit
Et dans mon corps ça brûle aussi
Mais j'me souviens pas bien pourquoi...
Des mots résonnent dans ma tête
Les mots violents d'une tempête
Des mots idiots et un dilemme ;
« N'ouvre pas si tu m'aimes !
N'ouvre pas si tu m'aimes !
N'ouvre pas si tu m'aimes ! »

J'ai treize années et des poussières
D'éternité ou de néant
J'ai jamais eu mes quatorze ans
Mais j'ai fêté mes trente hier...

J'ouvre.
Et je vous aime.

Les Rivières aux PoignetsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant