Câlins

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On ne joue pas avec les câlins. N'ose pas me toucher si je ne veux pas que tu me touches. N'ose pas mettre tes pores au contact des miennes si je ne le veux pas. Un câlin, c'est trop intime. Mon corps est trop intime pour que tu ne le touches. Un câlin, c'est les mots par l'action, et une action vaut toujours mieux que mille mots. Un câlin c'est l'extension de la pensée à travers le corps.

Je n'aime pas qu'on me touche, je n'aime pas qu'on m'enlace, parce que ça veut dire que tu tiens à moi. Ça me donne une responsabilité et je n'ai pas besoin de ça dans ma vie, la responsabilité de moi-même est déjà assez dure à porter.

Ne me touche pas si tu ne vois pas d'avenir avec moi, ne me touche pas si je ne te touche pas en premier.

Je ne fais pas de câlin à ma famille, parce que ce serait avouer que j'ai besoin d'eux. Je ne fais pas de câlin à mes amis parce que ce serait avouer que j'aime les avoir dans ma vie.

Je ne fais pas de câlin, je n'ai besoin de personne, je suis autonome et indépendante.

Je n'ai besoin que de moi.

Je fais des câlins seulement à ce nounours en peluche qui dort avec moi, il est fiable. Quand je vais mal, je ne lui fais pas de câlin, parce que j'ai besoin d'être seule avec moi-même pour aller mieux. Je suis introvertie et je n'aime pas les câlins. Enfin, je les aime, mais la sensation est trop forte. Un câlin a trop de pouvoir sur moi pour que je te laisse m'en faire un, même si tu m'as enfanté ou sauvé la vie.

Même si tu m'aimes de tout ton cœur, tu dois me laisser du temps pour que je m'habitue à toi, à ton contact et au pouvoir que tu as sur moi. Laisse moi l'accepter, et demande moi un câlin après.

Pour un câlin, j'ai besoin d'accepter.

L'amour est compliqué, je ne l'aime pas, il est trompeur. Et les câlins sont la continuité directe de l'amour, celui dont les effets me terrifient.

Je n'aime pas, parce qu'aimer est incontrôlable, parce qu'aimer est une plaie et que je ne cicatrise pas bien.

C'est une particularité que j'ai créé au fil du temps.

Je n'ai pas assez de cœur pour ce monde. La mort de mon chat me donnerait seulement quelques minutes de pleurs, deux de plus de peine, celle de mes parents mettrait plus de temps à partir, mais elle ne durerait pas assez longtemps pour les autres.

Je ne saurais contrôler mes sentiments, mais je saurais contrôler leurs effets.

Je ne suis jamais tombée amoureuse, mais je m'y suis préparée, avec un esprit critique et un pessimisme sans faille.

Certains diront que ce n'est pas humain de fuir l'amour et les contacts comme ça, mais je pense que ça n'a plus d'importance. J'en ai marre de m'attacher pendant des années pour qu'au final cela n'aboutisse à rien. C'est humain de fuir l'amour, de fuir ses sentiments et ses problèmes.

Je peux compter sur les doigts de la main ceux en qui j'ai confiance, mais je sais qu'ils partiront un jour, et j'en serai triste, alors je trouverai d'autres personnes qui finiront elles aussi par partir.

On dit qu'une amitié qui dure plus de sept ans dure toute la vie. C'est faux, l'expérience m'a appris que ce n'était qu'une théorie. Sept ans, ce n'est rien dans une vie, et on évolue en sept ans, nous ne correspondons plus aux attentes de nos amis, et c'est pas grave. Ça fait mal mais c'est pas grave, c'est la vie.

Oui, cette méfiance vient d'une colère immense enfouie très profondément. Et j'ai peur qu'un câlin ne la fasse ressortir, tous les sentiments forts partant pour la personne qui me câline.

J'ai peur de mes sentiments, ceux que je ne connais pas mais que je ressens au fond, qui sont là, cette obscurité qui persiste même dans les moments les plus lumineux que la vie puisse offrir.

Le jour de mon mariage, je m'enfermerai dans les toilettes pour pleurer pour quelque chose qui a pu se passer plus de dix ans ou dix minutes auparavant. Puis je retournerai dans la fête comme si rien ne s'était passé.

Un câlin a trop de valeur pour moi pour que j'en donne à tout bout de champ, à tout le monde, et pour n'importe quelle raison.

Si tu as terriblement besoin d'un câlin, si je ressens que tu en as terriblement besoin, je t'en offrirai un, c'est un sacrifice que je ferai à n'importe qui, mais je ne le ferai pas de gaieté de cœur. Je le ferai parce que j'ai conscience du mal qui te ronge, parce que tu en as besoin de moi. Alors je serai tendre comme je peux être dure, tout le monde sera étonné de mon comportement et je n'aurai plus cette image de fille sans cœur, qui ne pense qu'à sa carrière et au confort matériel.

Même si je suis cette fille.

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Bonne nuit.

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