Chapitre 31

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  Le lendemain matin, Johanne se traîna péniblement hors de son lit. Le visage défait, les cheveux en pétard, elle enfila un gros sweat, ses baskets, et tira mollement sa valise pour rejoindre le taxi qui l'attendait dans la rue.

Notre soirée s'était finie tardivement, saupoudrée d'une belle quantité d'alcool pour certains. Moi, j'avais tenu mes bonnes résolutions. Même après la violence de ma conversation avec Eva, j'avais réussi à reprendre plus ou moins le dessus, à coller un sourire figé sur ma tête, puis à retrouver mes amis. Puisqu'ils étaient tous relativement saouls, ils ne réalisèrent pas ma détresse. Ce n'était pas si mal, à force, j'avais aussi fini par l'ignorer.

Une fois dans mon lit, j'avais enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles pour y faire sonner une musique apaisante. Une mélodie sereine aux notes légères qui saurait m'aider à dormir. Peine perdue, je n'avais pas vraiment fermé l'œil de la nuit.

Au matin, lorsque le réveil de Johanne s'arma de ses tonalités les plus agressives, je ne dormais pas. Mes paupières étaient lourdes, mon esprit recouvert d'une brume qui ralentissait toutes mes pensées, mais je n'en étais pas moins réveillée. Avant qu'elle ne parte, je lui souhaitai un bon voyage, lui murmurant d'essayer de profiter et de ne pas trop travailler. Je savais qu'elle n'en ferait rien, mais ça avait le mérite d'être dit.

Lorsque Johanne fut partie, je m'habillai à mon tour et rejoignis un café non loin du campus pour travailler un peu. Je n'étais pas vraiment en état, aussi, passai-je le plus clair de mon temps à rêvasser, un grand latte à mes côtés. Les clients se succédaient, passant des commandes plus ou moins conséquentes, s'asseyant aux tables ou quittant l'établissement avec leur dû empaqueté.

L'écran de mon ordinateur, faute d'attention, se mit en veille plus d'une fois. Après mon douzième bâillement et mon second latte, je me décidai à partir pour retourner sur le campus.

Malgré le froid de ce presque hiver – nous avions dépassé la mi-décembre – il faisait beau et le soleil rendait la journée agréable. Le ciel était dégagé, offrant une palette de bleue qui s'accordait aux teintes glacées de ce début de saison.

Les mains dans les poches, mon écharpe enroulée autour du visage, je remontai la rue pour accéder au campus. Mes pensées étaient accaparées par Eva, puis elles dérivaient vers Lance, et vers d'autres choses au moins aussi joyeuses. La seule chose qui me permettait encore de tenir le coup, c'était qu'Annabelle viendrait me voir en début d'après-midi. Après ça, j'aurais mon premier rendez-vous chez la psychiatre. J'espérais sincèrement qu'il ne soit pas le premier d'une longue série.

Une fois dans ma chambre, mes écouteurs toujours dans les oreilles, je fis un brin de rangement. Je réorganisai mon bureau et rangeai mes vêtements qui traînaient ici et là. J'avais besoin de m'occuper les mains, même avec des tâches futiles. Chaque fois que je cessai de bouger, le monde semblait ralentir autour de moi, et mon cerveau, comme pour compenser, se mettait à accélérer. Il m'envoyait des pensées intrusives, les souvenirs des conversations désagréables que j'avais eues, les flashs d'épisodes de ma vie que j'aurais préféré oublier. Alors, aussi sereinement que j'étais capable de l'être, je remuai, évitant le silence, m'esquivant moi-même.

De petits coups résonnèrent contre la porte.

— Entre !

La tête blanche d'Annabelle traversa l'encadrement de la porte. Elle portait un gros pull en laine avec des nuages lavande en guise de motifs. Sur son épaule, un todbag qu'elle traînait assez souvent ; il était beige, et sur l'une des faces, de petites fleurs colorées avaient été brodées. La tige était noire, mais les pétales prenaient des teintes rouges, bleues et jaunes.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant