Chapitre 8 - 𝐋'𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞

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Aussi vite que j'avais plongé dans l'inconscience, j'en étais ressorti tremblant. J'entendais des éclats de sa voix, mais mes oreilles étaient comme bouchées, sourdes à tout ce qui était extérieur. J'avais l'impression de suffoquer dans l'océan. Tout était sombre, autour de moi, et l'air venait s'infiltrer dans mes poumons pour mieux les étouffer. Link avait attrapé mes épaules, retenant mon corps de vaciller. Mes mains tressautèrent et se jetèrent toutes seules sur ses bras, s'y agrippant avec hargne sans que je ne puisse les contrôler. Et je serrai, serrai et serrai ses poignets, comme si les empoigner me guiderait à la surface. Pas une seconde il n'essaya de me repousser. Il adoucit juste ses mots, étouffant sa voix jusqu'à-ce qu'il n'en reste que des chuchotements rassurants.

– T/P, tu m'entends ?

Soudain, les taches noires qui obstruaient ma vision laissèrent place à la lumière. Je revis Link, son visage inquiet penché au-dessus du mien.

– Je... Pardon, c'est...

– Ne t'en fais pas.

Ma poigne se desserra, et la sienne se raffermit un peu plus, me maintenant droit.

– Qu'est-ce qui t'est arrivé ? me demanda-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?

Je tournai la tête vers le maigre visage de ma mère. Sa peau laissait entrevoir ses veines rougeâtres. Je détournai les yeux à nouveau, ne pouvant supporter cette vision plus longtemps.
Une larme avait débordé de mes yeux, laissant un sillon brûlant sur ma joue.

– C'est trop tard, dis-je, le souffle coupé. Elle va mourir.

Les yeux de Link se troublèrent. Je voyais bien qu'il se demandait s'il n'y avait pas quelque chose à faire, qu'il cherchait une solution. Mais même s'il en existait une, elle se trouvait hors de notre portée. J'avais tout essayé, seulement... Les princesses de la sérénité s'étaient faites dévorer au fil du temps. La seule que j'avais jamais croisée était en train de tuer ma mère à petit feu.

– Si ta mère finissait par partir aujourd'hui... Elle voudrait sûrement que tu te tiennes à ses côtés jusqu'au bout.

Je hochai la tête, le menton tremblant. Je devais être là pour elle, même s'il fallait passer nuit à veiller sur elle. Link me lâcha prudemment. Une vague de peur me traversa soudain.

– Reste, s'il te plaît.

Il me chuchota en retour.

– Je ne bouge pas.

***

Il faisait noir, partout. J'étais incapable de bouger, ou même de voir, mais j'entendis un bruit, un genre de craquement. C'était indescriptible. Il y avait une odeur, légère au début, mais qui se faisait de plus en plus aggressive. Comme si quelque chose était en train de brûler, de pourrir, de saigner... Le craquement se faisait en plusieurs temps, et s'accompagnait de couinements presque imperceptibles.
En me concentrant, je cherchai à me souvenir de ce qui s'était passé. Pourquoi le sol était dur et glacé, et pourquoi j'y étais allongé contre. Je ne pouvais toujours pas bouger un muscle. Le craquement se fit plus long et grinçant. Tout à coup, je reconnus cette odeur. C'était l'odeur de la chasse, la même qui s'échappait de la viande qu'on dépèce. Le sang, la chair. Quand la peau de l'animal se déchire sous le couteau, accompagnée d'un petit bruit aigu à chaque mouvement.

Tout à coup, ma mère apparut au milieu de l'obscurité, illuminée par une lueur rouge qui pulsait à rythme régulier. Elle paraissait jeune, sa peau saine luisait, et elle portait la robe blanche qu'elle avait pour habitude de vêtir lorsque nous nous promenions en forêt pour recueillir des ingrédients, des années auparavant. Mais quelque chose clochait. Couchée sur le dos, elle geignait et se tordait avec peine, ses doux traits déformés par la douleur. La princesse de la sérénité se dressait sur son ventre, au milieu d'une marée de sang. Ses pétales s'ouvraient et se refermaient légèrement, comme si elle buvait le sang de ma mère par ses racines rouges. Un cri glaçant s'échappa des lèvres de ma mère, lequel me tira hors du sommeil dans lequel j'étais plongé.

Lorsque mes yeux s'ouvrirent, je n'eus pas le temps de souffler une seconde que je la vis. Une ombre suintante, noire et rouge, brillant d'une lueur inhumaine. Elle tordait son corps rachitique sur le lit de ma mère, produisant des sons rauques et bas. Puis l'odeur arriva à mes narines. Pire que l'odeur de putréfaction, c'était une fumée sentant la mort. Je respirais à peine, gardant les yeux grand ouverts à l'affût de son moindre mouvement. Mais alors que je me mis à reculer, très lentement, elle se stoppa net.

Sa tête tourna lentement vers moi, révélant un œil bleu perçant l'obscurité. L'instant d'après, la créature fondait sur moi.

Mais le coup qu'elle s'apprêtait à abattre sur moi lui fut giclé à la figure par un coup franc et puissant. Je reculai en sursaut, tournant vivement la tête vers celui qui avait riposté à ma place. Link se tenait debout, sa massue entre les mains.

– Bon sang, mais qu'est-ce que c'est que ça ? s'écria-t-il, me lançant un bref coup d'œil par-dessus son épaule.

– Je ne sais pas, Link, je n'en ai aucune idée, lui dis-je, la voix happée par l'effroi.

Le monstre de chair pourpre rugit d'une double-voix, son cri à la fois strident comme du papier de verre et profondément caverneux. Je me levai précipitamment sans le lâcher des yeux, agrippant le couteau que je gardais accroché à ma hanche. La peur m'écrasait la poitrine, mais je parvins à garder le contrôle de mes émotions. Link s'élança sur la créature sans prévenir, son arme dressée au dessus de sa tête. Mais elle esquiva l'attaque, repoussant Link en le frappant de point fouet dans l'estomac. Il tituba, peinant à garder son équilibre. Pris d'un élan de rage et de peur pour mon ami, je me jetai sur la créature, mon couteau serré fort entre mes main, et visai le seul point qui se démarquait sur son corps; son œil. La lame s'enfonça comme dans du beurre. La réaction de la bête fut immédiate. Elle cria et me projeta sur le plancher, se recroquevillant sur elle-même. Elle s'effondra sur le sol, ses longs membres griffus convulsant dans tous les sens, comme une poupée de chiffon. Sa chair immonde et gluante éclaboussait contre les murs, balancée par ses mouvements. J'en reçus sur le visage et l'enlevai aussitôt, cette dernière me brûlant virulemment la peau. Puis sa silhouette explosa en un nuage de poussière nauséabonde sous nos yeux.

Pendant une minute, il n'y avait que le son de ma respiration et de celle de Link qui flottait dans l'air, toutes deux hâtées et paniquées. Mes oreilles sifflaient encore, écho de l'horrible râle que le monstre avait poussé en mourant. Mon regard finit par s'attirer au milieu de la pièce, là où son corps avait chu. Des morceaux de tissus en lanières jonchaient le sol, imbibés de rouge. Je les ramassai entre mes mains. Une sourde douleur me piqua dans l'estomac lorsque je reconnus le motif qui bordait le côté de cette pièce de tissu déchirée. Je sentis Link se traîner près de moi, son souffle faible et laborieux, mais je n'arrivais pas à détourner les yeux de ce petit bout de vêtements rapiécé. Le sang coulait encore sur mes mains. De ma gorge serrée, je parvins tout de même à sortir un faible souffle.

– Maman...

Le souffle de l'aventure【Link x Reader♂】BOTW Où les histoires vivent. Découvrez maintenant