Chapitre Un

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ELIE

      - Tu savais que le monde préférait le Eminem des années 1990 ?

      Achille me regarde comme si je venais de dire la pire connerie jamais sortie. Mais je n'ai jamais été aussi sérieuse de toute ma vie.

      - Qu'est-ce qu'on en a à faire ? demande-t-il, sidéré.

      Cette fois, c'est moi qui affiche un air médusé en le regardant. Je n'avais jamais pris conscience qu'il n'aimait pas Eminem autant que moi.

      Il connaît les basiques, même pas par cœur alors que j'ai tendance à casser les oreilles de tout le monde en essayant de chanter à la même vitesse que lui.

      - Ton obsession pour ce type est ridicule, commente-t-il en levant les yeux au ciel. Faut que tu arrêtes.

      - Jamais de la vie.

      J'assène une claque sur le bras de mon ami en souriant. Ses tentatives de me faire quitter le fanclub Eminem sont vaines mais il continue tout de même dans l'espoir d'y parvenir.

      Il me force à lâcher mon ordinateur pour que je puisse me concentrer sur mon devoir. J'ai l'impression d'être à des années lumières de tout ça.

      Les cours ne m'intéressent plus. Rien ne me passionne à part la musique. Parfois, j'aimerais tout quitter et partir loin d'ici, ma guitare à la main, pour jouter et trouver un public qui me convienne. Peu importe où il se trouve.

      - Il nous reste un an à tirer, El'. Moins d'un an. Il est hors de question que tu t'arrêtes maintenant.

      - Rien ne me retient, Akhilleús. Rien du tout.

      - Moi, je te retiens.

      Je tourne un regard surpris dans sa direction. C'est la première fois qu'il sort quelque chose d'aussi sincère depuis que nous nous connaissons.

      Je repousse mes cahiers en soupirant, dans l'espoir qu'il comprenne que le travail ne m'intéresse pas pour le moment. Il semble saisir puisqu'à la place de me forcer à travailler, il attrape ma guitare, posée près de mon lit.

      - Quitte à être productive, autant faire ce qu'il te plait, dit-il en me souriant doucement.

      Je lui souris en retour, sincèrement heureuse qu'il me comprenne. Et même quand je pense cela impossible, il parvient à me surprendre.

      Je le laisse s'allonger sur la couverture pendant que j'accorde mon instrument.

      Cette scène est une routine à laquelle j'aurais dû mal à me défaire quand nous partirons chacun de notre côté.

      - Laquelle veux-tu que je joue aujourd'hui ? je demande d'une petite voix.

      - Ma préférée. Tu la joues si bien.

      Je hoche la tête en essayant de me remémorer les paroles. Je n'ai jamais aimé gâcher une chanson avec ma voix, celle-ci encore moins. C'est sa préférée.

      Les premiers accords me viennent naturellement. Je l'ai apprise par cœur pour lui quand j'ai compris qu'il l'aimait plus que tout.

      Back to the Old House représente la chanson de notre rencontre. J'étais invitée à l'anniversaire d'une cousine et c'est là que je l'ai vu. En plein slow avec une fille sur cette chanson. Mais quand il a croisé mon regard en tournant, ses yeux bleus m'ont attrapé et n'ont plus jamais quitté mon cerveau.

      J'étais obligée de lui parler, de savoir qui il était. Puis, j'ai appris que The Smiths était son groupe préféré, qu'il le tenait de sa mère.

      Alors, j'ai appris cette chanson par cœur, à la guitare et au chant, pour lui montrer mes prouesses. Nous sommes devenus amis après ça.

      Ça n'avait jamais été aussi facile. Il suffisait de lui parler de musique pour attirer son attention. Peut-être est-ce cela qui m'a appelé chez lui. La musicalité de son âme.

      - C'est magnifique, déclare-t-il à la fin du morceau.

      - Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas joué. J'ai un peu perdu.

      Je ne ressentais pas le besoin de m'excuser quand j'étais avec lui.

      Mais quand il s'agit de The Smiths et de Back to the Old House, il n'y avait rien de plus précieux. Des excuses s'imposent pour ce massacre.

      Il m'assure que c'était magnifique, je n'en crois pas un mot. C'est souvent comme ça entre nous. Je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'il me dit, principalement quand ça touche à ma musique. Et quand je le complimente sur ce qu'il fait, il n'en croit pas un mot.

      C'est comme ça entre nous. Depuis le premier jour. Comme une évidence. Mais rien de tout ça ne l'est. Parce que ça n'existe pas. Les âmes connectées comme les nôtres. Les âmes sœurs. C'est faux, pas vrai ? 

Toutes ces choses que tu ignoresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant