Chapitre 3

1 0 0
                                    


Lou

   Je ris toujours intérieurement de la pique adressée à mon frangin hyper protecteur lorsque mon téléphone se met à vibrer. C'est Gé. On est censée se voir en fin d'après-midi, mais je suis sûre qu'elle vient aux renseignements. Je décroche.

   — Salut Gé ! On n'est pas encore arrivés.

   — Oh ! me répond-elle sur un ton de conspiratrice. Tu es sur écoute ?

   — C'est ça, rigolé-je en jetant un œil derrière moi que j'espère discret.

   Mon frère et Saw feignent d'être absorbés par le paysage qui défile, mais je ne suis pas dupe et sais qu'ils n'en manquent pas une miette.

   — Tes colis sont bien arrivés ?

   — Oui et intacts avec ça.

   — Alooors ? Il est comment en vrai ?

   — Ben...

   Comment répondre à ça sans attirer l'attention des deux énergumènes sur la banquette 

arrière ?

   — Sur une échelle de un à dix ? enchaine-t-elle comprenant mon problème.

   — Dix, mais...

   — Mais quoi ? Qu'est-ce qui pèche chez lui ? Il a un accent épouvantable ? l'entends-je glousser à l'autre bout du téléphone.

   Son accent est parfait, trop sexy même, combiné à sa voix plutôt grave. Mais je ne peux pas lui faire cette réponse. Alors, je me contente de murmurer :

   — Son garde du corps.

   J'espère qu'elle saisit que je fais référence à Théo, mais c'est ma meilleure amie et elle me connait suffisamment pour me comprendre à demi-mot. J'entends Saw remuer derrière moi en ricanant.

   Merde !

   Pourvu qu'il n'ait pas capté que je parlais d'eux.

   La voiture s'engage dans notre allée et je coupe court à cette conversation qui a juste réussi à me faire monter le rouge aux joues. Une fois à l'arrêt, je saute de la voiture et pars me réfugier dans ma chambre. Je prends bien soin de fermer la porte, car je tiens à préserver un minimum mon intimité. Je sors mon portable de la poche de mon short, lance la playlist de mon groupe préféré sur mon enceinte Bluetooth et m'allonge sur mon lit.

   Je réalise que je me suis assoupie lorsqu'un léger bruit contre ma porte me réveille. Ça n'a pas toujours été dans mes habitudes de dormir en plein après-midi, mais ces derniers temps, j'en ai besoin. Je me frotte les yeux et le bruit recommence.

   — Quoi ? hurlé-je par-dessus la musique qui résonne toujours dans la pièce, agacée et sûre de voir débarquer mon frère pour se plaindre du niveau sonore.

   La porte s'entrouvre et je vois Saw apparaitre, un petit sourire aux lèvres.

   — Je vois que la mauvaise humeur au réveil, c'est de famille.

   Je le fusille du regard. Il n'est là que depuis quelques heures et il m'enquiquine déjà.

   — Je ne dormais pas, contré-je de mauvaise foi. C'est mon humeur habituelle, il faudra t'y faire. Que veux-tu ?

   Il sourit et passe une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière. Je me demande s'il a conscience que ce geste le rend si craquant.

   — Ton frère m'a dit de m'adresser à toi si j'avais besoin de quelque chose. Il dort, précise-t-il devant mon air contrarié.

   Connaissant Théo, j'ai du mal à croire qu'il lui ait fait cette recommandation, mais soit, je suis réveillée de toute façon. Je me lève et le rejoins à la porte.

   — Et mon père ?

   — Il est reparti au restaurant.

   — Très bien, soupiré-je. Que puis-je faire pour toi ?

   Il plonge les mains dans les poches de son jean délavé et me reluque de haut en bas. J'ai envie de lui crier de ne pas se gêner, mais je m'abstiens, consciente que ça ne m'embête pas autant que ça le devrait.

   — J'ai faim, susurre-t-il enfin en me fixant droit dans les yeux.

   J'avale ma salive de travers et me mets à tousser. Si c'est son comportement habituel avec les filles, je ne comprends pas par quel miracle, mon frangin ne l'a pas encore ligoté au pied de son lit.

   — OK, articulé-je en reprenant une respiration normale. Mais je te préviens tout de suite, je ne cuisinerai pas pour toi. Chacun sa popote.

   — Popote ? m'interroge-t-il les yeux plissés, ce qui le rend terriblement séduisant.

   Puréééée !!! Ressaisis-toi, ma pauvre fille !

   — Tu te débrouilles tout seul, vu ?

   — Pas de soucis. Montre-moi juste où sont les choses.

   — Je te montrerai ma cuisine quand tu te seras excusé de m'avoir réveillée, répliqué-je en croisant les bras et en arquant un sourcil.

   Il fait un pas vers moi et chuchote faussement sérieux :

   — Je croyais que tu ne dormais pas...

   Je pousse un soupir de frustration et le plante là. Moi qui comptais faire enrager mon frère en feignant de m'intéresser à son correspondant. C'était un bon plan, mais c'était sans compter le comportement de celui-ci. Je sais qu'il ne s'intéresse pas vraiment à moi. Je n'ai rien des filles avec qui il s'expose sur Instagram. Il a peut-être eu la même idée que moi et veut juste faire enrager un peu son pote.

   Je pénètre dans la cuisine, sors du pain du placard et ouvre le frigo quand Saw me rejoint.

   — Frigo, lui montré-je d'un geste. Et là...

   Je referme la porte et montre un écriteau.

   — Tu peux noter tout ce dont tu as besoin pour les courses. On fait ça une fois par semaine et à tour de rôle.

   Devant son regard interrogateur, j'explique :

   — Pendant l'été, mes parents ne sont presque jamais là à cause de leur restaurant. Donc, on partage les tâches, dont les courses.

   — Comment fais-tu sans voiture ? C'est Théo qui m'a dit que tu n'avais pas encore le permis, précise-t-il devant mon air surpris.

   — Oh ! J'y vais à pied. Ce n'est pas loin et comme mes parents rapportent les repas et d'autres aliments de leur resto, il n'y a pas grand-chose à porter.

   Une pensée me traverse soudain et je lui demande :

   — Tu peux conduire en France ? Je veux dire, tu as ton permis international ?

   Sans ce fumeux document, impossible pour un Américain de circuler sur le territoire.

   — Ouais, j'y ai pensé. Supporter ton frère attendre trois mois après le sien m'a servi de leçon.

   Je continue ma visite guidée de la cuisine et en profite pour lui expliquer les différentes règles de la maison. Puis, je m'installe sur un tabouret pour l'observer confectionner son sandwich.

   Quand il n'est pas en train de me draguer comme un blaireau, il est plutôt sympa. Son français est excellent et j'aime bien son sens de l'humour, même si je me garde bien de le lui montrer.

The other sideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant