Sous la glace

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Eléona court. Elle ne s’arrête pas. Un pied devant l’autre. Avancer. Elle fixe la tour devant elle, puis se retourne et voit la ville. Eléona accélère. Pour rien au monde elle ne laissera ses souvenirs la rattraper.

Un cri dans la nuit fait fuir les nocturnes piafs qui habitent la vielle construction en pierre.

Eléona est arrivée. Sur le roc elle déverse toute sa haine et sous la lune elle remplit les sillons du sol de son sang. Ses larmes tapissent les jeunes rides de son visage.

A bout de souffle, Eléona tombe à genoux.
Elle y restera jusqu’à l’aube.

C’est un pèlerin marchant depuis peu qui la trouvera là, affalée contre le ce grand mur de pierre. Il croira qu’elle avait sauté du haut de la tour, ce qui expliquerait le sang séché sous ses coudes. Alors agar, il appellera la police, qui reconnaitra la fugitive et d’un mot la fera se relever.

Eléana se voit comme dans un rêve. Brinquebalée de tout part, elle met du temps à comprendre où elle se trouve. Ça sent le neuf. Il y a une lumière jaunâtre au dessus d’elle. Elle ne sent plus ses vêtements et sur ses avants bras elle sent de gros pansements. Eléana elle dans une ambulance. Et les voix qu’elle entends lui la ramène à la réalité. Elle hurle. On lui met un masque. Elle se rendort.

- Mais putain on était si inquiet !! T’aurait pu nous prévenir, nan, ça t’es pas passé par la tête. Un petit message et on se serait pas fait un tel sang d’encre. Ta mère n’a même pas pu dormir de la nuit. Tu sais bien que c’est pas bon pour son cœur. Vraiment tu es inconsciente. In-con-sciente. Tu aurais pu te faire enlever ou je sais pas, te faire attaquer, et nous, on aurait rien su !!

Et ça dura vingt minutes. Vingt minutes pendant lesquelles Eléana, a peine réveillée, a subi la foudre de Zeus. Vingts minutes réduite au silence. C’est pas comme si elle en avait pas l’habitude, de toute façon.

Le tour de sa mère fut plus froid. C’était les mêmes intentions, mais avec plus de retenue. Elle faisait un bilan de ses angoisses. Un bilan de sa vie avec sa fille. Un bilan de son rôle de mère. De toute façon, ça devait arriver, c’est toujours à l’adolescence qu’on a besoin de fuguer, pour faire s’inquiéter ses parents. Ça va passer, ils le disent toujours dans les livres, au bout de quelques années.

Alors Eéana doit rassurer sa mère, lui dire que ce n’est rien. Qu’il ne faut pas qu’elle s’inquiète. Et surtout s’excuser. De n’être qu’elle même.

Habiter dans le grand nord, c’est quelque chose qui plait à Eléana. Le jour de sa sortie de l’hôpital, elle peut facilement s’éclipser pour aller contempler l’horizon de glace.

Ce que préfère Eléana, dans la banquise, ce sont les métaphores qui en ressortent. Elle aime bien cette poésie, ce tableau blanc à l’horizon qui laisse place ouverte à son imagination.

Eléana est comme ça, elle aime rêver tout en laissant ses yeux et ses pensées au loin dériver.

C’est alors qu’au loin, à la limite du soleil, elle voit une ombre. C’est une silhouette, qui lui tend de loin a petite main. Alors très justement, Eléana prend peur. Depuis quand les ours polaires font-ils copain-copain avec les êtres humains ?

Et elle court, victime de son imagination. En courant, elle rentre dans la maison et se rue vers la chambre. Elle en trouve la porte ouverte. Ils étaient rentrés dans son intimité.

Le repas est un moment qu’Elena redoute et adore. D’un coté les plats sont bon, quoique trop copieux et lui laissant au ventre l’impression de trop manger. De l’autre, c’est un moment de convivialité. Ou de con-jovialité, au choix. Elle se fait huer pour ne pas avoir mis sa localisation cette après midi. Mais c’est inquiétant, tu comprend, on ne sait pas où tu es. Et puis vient toutes les autres reproches. On lui rappelle la nuit passée ou elle s’était évadée. Puis on lui rappelle ses responsabilités. En tant que fille. En tant qu’en vie.

Eléana ferme les yeux. Elle chantonne dans sa tête un air d’une musique populaire. On a pas toujours besoins de jambe pour s’enfuir.

Sous la glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant