Chapitre 2 : L'épicerie du bon coin

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Violet

La lueur de la lune éclairait à peine mon visage alors que je regardais par la fenêtre. À l'extérieur, New York vibrait d'énergie. Mais ici, l'atmosphère était silencieuse. Froide.

Comme si mes pensées avaient influencé ma température corporelle, je frissonnai. Je fermai la fenêtre, puis m'allongeai dans mon lit et pris ma couverture rêche, en essayant de recouvrir tout mon corps du tissu. Quand enfin je me sentis un peu plus réchauffée, je soupirai.

Ma vie ne pouvait pas se résumer à ça, non ?

Pas à un père alcoolique et horrible, pas à une vie sociale inexistante, pas à attendre que le soleil se lève toutes les nuits. Pas à rêver éveillée à une maison confortable, des parents aimants, des amis, un travail passionnant. Pas à être furieuse tout le temps.

Il y avait plus que ça dans ma vie... mais quoi ?

Soudain, l'image d'un regard vert me traversa l'esprit.

Christopher.

Ce jeune homme, avec qui j'avais parlé pendant à peine un quart d'heure. Il avait été si pétillant, si rayonnant ! Il m'avait fait sourire, il m'avait fait rire ! Ça faisait combien de temps que ça ne m'était pas arrivé ?

Il fallait que je le retrouve.

Ou toute ma vie ne serait qu'ennui, douleur et tristesse.


Je me baladai dans la 5ème Avenue en observant les New Yorkais. À côté de moi, une vieille femme attendait le bus. Un peu plus loin devant, je voyais deux amies faire du shopping. Là, un couple qui se tenait la main, ici, un groupe de garçons qui font du skate. Dans les voitures, des personnes qui insultaient les véhicules devant, des femmes qui riaient, des hommes qui discutaient, des enfants qui racontaient leurs journées, des touristes qui prenaient des photos.

Et moi, au milieu de tout ça.

Immobile.

- Mademoiselle ? m'interpella soudain une voix féminine.

Je tournai la tête et vit un couple âgé, qui me regardait en souriant. La femme continua avec un accent allemand :

- Vous pourriez nous prendre en photo, s'il vous plaît ?

Je hochai la tête automatiquement, et attrapai son téléphone. Je capturai le moment, et leurs sourires me mirent du baume au cœur.

- Merci beaucoup ! Bonne journée ! me salua son mari.

- Au revoir, soufflais-je.

Je les regardai disparaître dans la foule. La seule raison pour laquelle j'étais ici, était parce que Christopher avait dit juste avant de partir à Jane qu'il avait garé sa voiture vers la gauche, c'est-à-dire ici. Absurdement, je cherchai l'un d'entre eux du regard, bousculée par les passants.

Ça n'a aucun sens, ma pauvre. Tu ne vas jamais réussir à trouver deux personnes que tu connais seulement de nom parmi toute la population de New York.

Je soupirai, résignée, et commençai à marcher pour rejoindre l'enfer qu'était ma maison. Mais d'abord, il fallait que j'achète une énième bouteille de whiskey. Et des barres chocolatées. J'entrai dans la première épicerie venue, un magasin du nom terriblement original L'épicerie du coin. Alors que je passai le seuil, le tintement d'une cloche attira mon regard vers le haut de la porte, mais je m'en désintéressai pour croiser le regard brun chaleureux d'une vendeuse à la caisse. Je cherchai dans les rayons mon goûter favori, et croisai un homme d'une quarantaine d'années qui était en train de placer des dizaines de pacs de sucre dans les étalonnages. Il me sourit aimablement (pour une fois !) et je passai mon chemin. Enfin, je trouvai les délicieuses barres chocolatées et en mis trois paquets entiers dans mon sac de courses. Alors que je me dirigeai vers les bouteilles d'alcool, la porte s'ouvrit et le tintement de la cloche vintage résonna dans le magasin. Je jetai un regard, et vit un homme aux traits acérés et aux yeux noirs parler avec la caissière. Celle-ci parut d'un seul coup nerveuse, et hocha la tête discrètement. Je fronçai les sourcils, inquiète. Lorsque je le vis se retourner lentement, je m'empressai de retourner à mes affaires et commençai à chercher la bouteille de whiskey de mon père. Mais j'avais pu voir que l'homme s'était dirigé vers les rayons des viandes congelées. Mon cœur battait la chamade à la peur qu'il m'ait vu. Cependant, rien n'arriva, et lorsque je retournai au niveau de la caisse pour payer ce que j'avais pris... tout était calme. Je soupirai de soulagement, et souris à la vendeuse après qu'elle m'eut tendu le ticket. C'est alors que la cloche tinta de nouveau. Je sentis mon cœur s'arrêter de battre, comme un pressentiment.

Leurs NomsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant