Partie 3

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Rozenn,

Je lutte depuis un certain temps maintenant. Je sais que tu as essayé de te rapprocher de moi, et je veux que tu comprennes que mon refus d'aimer n'est pas un reflet de toi ou de quelque chose que tu as mal fait.

La vérité, c'est que j'ai déjà été blessé. J'ai ouvert mon cœur aux autres dans le passé, ceux-ci l'ont maintes et maintes fois brisé. Je me sens vide, je ne ressens strictement plus rien. Je ne veux plus avoir à recoller chaque morceau de mon cœur éclaté.

Je sais que cela peut sembler égoïste ou cruel, mais c'est le seul moyen que je connaisse pour me protéger de la douleur qui accompagne l'ouverture à quelqu'un d'autre. Je ne suis pas prêt à revivre cela et je ne veux pas non plus soumettre quelqu'un d'autre à cette douleur.

Je sais que l'amour peut apporter beaucoup de joie et de bonheur dans la vie des gens, mais il peut aussi apporter beaucoup de douleur et de chagrin. Pour moi, le risque de douleur est tout simplement trop grand, j'ai donc choisi de m'enfermer. Et te protéger.

J'apprécie ton intérêt pour moi, mais je ne suis tout simplement pas prêt à aimer à nouveau. Et je ne suis sûrement pas celui que tu penses que je suis.

Je tapote nerveusement la surface de la table basse de mes doigts en ayant les yeux rivés sur le texte que je viens d'écrire. Il ne me reste qu'à appuyer sur le bouton "envoyer", et le problème est résolu. Le souci, c'est que je n'arrive pas à le faire. Je finis par en avoir marre, j'efface le contenu et ferme le capot de mon PC avant de me laisser tomber sur le dossier du canapé.

— Sorry poussin, tu te trompes de personne, chuchoté-je en me frottant les yeux.

Mon téléphone se met à vibrer, je laisse passer quelques minutes avant de voir une notification de messagerie vocale. Je saisis mon téléphone en marquant un sourcil puis écoute le message. Mon coeur se serre en entendant le seul mot qui est prononcé :

"Elle est morte".

Mon téléphone tombe au sol, je reste figé en me répétant cette phrase en continu dans ma tête. Qui ? Quand ? Pourquoi ? Comment ?

Une autre notification débarque sur mon téléphone. Teru me dit d'allumer la télévision et de regarder les infos sur la Une. Je m'exécute aussitôt.

Une jeune fille de 21 ans a été retrouvée morte dans le parc de Kaisaniemi. D'après les premières constatations, son agresseur l'aurait violé avant de l'égorger.

Mon cœur éclate en plusieurs morceaux, mon corps se met à trembler. Je bouillonne intérieurement. Je compose le numéro de Teru et il décroche aussitôt en me jurant qu'il avait fait comme on avait prévu la veille.

— Retrouve-moi ce fils de pute, j'aimerais m'entretenir avec lui, lâché-je avant de raccrocher.

Je secoue mon bras droit jusqu'à ce qu'une carte vienne se caler entre mon index et mon majeur. Je la regarde avec attention.

— Roi de Carreau, sourié-je. Alors, on va bien s'amuser.

Je me lève, j'attrape ma veste accrochée à l'arrière de la porte d'entrée puis quitte mon appartement en direction de celui de Rozenn. Je me dépêche d'entrer dans l'immeuble, je me place devant sa porte d'entrée. Je claque des doigts, le cliquetis de la serrure se fait entendre, je saisis la poignée et pénètre dans l'appartement. Je ne m'attarde pas et récupère l'essentiel : son PC. Je fais ensuite le chemin retour.

Une fois son ordinateur allumé devant moi, je défais l'emballage d'une sucette avant de la porter aux lèvres. Si le bâtard qui lui a fait subir ça était parmi ses contacts, je vais très vite le retrouver. Les deux mecs de la veille sont aussi sur ma liste. Ils étaient chelous.

Une notification vient me déranger en pleine recherche, je saisis rapidement mon téléphone.

"Je suis désolée"

Mon cœur rate un battement en voyant le numéro de Rozenn affiché ainsi que le message. Je regarde tout de suite le détail de celui-ci. Il a été envoyé à 02h30. Je ne vois qu'une seule raison : elle n'avait pas de réseau.

— Ce bâtard l'aurait tué ailleurs et aurait ramené son corps dans le parc... Sérieux, chuchoté-je.

J'éteins mon téléphone afin de sortir ma seconde carte sim où Rozenn m'envoyait des messages, je la coupe en plusieurs morceaux. Même si je sais que personne ne pourra me retrouver étant donné que c'est une sim prépayée, je préfère jouer la carte de la sûreté.

— Je te le promets Rozenn, ton bourreau n'aura que ce qu'il mérite, soufflé-je avant de rallumer mon téléphone. 

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