Jour Un

125 12 64
                                    

Dans les nuits d'automne, errant par la ville,
Je regarde au ciel avec mon désir,
Car si, dans le temps qu'une étoile file,
On forme un souhait, il doit s'accomplir.

- F. Coppée.

Le vent glacial de novembre me donne la chair de poule. D'une main, je remonte l'écharpe sur mon nez ; de l'autre, je fouille ma poche. J'en ressors un trousseau de clés, avec lequel je verrouille ma porte. Cela fait, je traverse le long couloir extérieur. Je dois faire vite.

La moitié du visage couverte, je dévale l'escalier de l'immeuble. Je débouche au parking. Dans la nuit noire, il est difficile de distinguer les contours habituels des bâtiments. Je n'y prête pas attention. Je n'en ai pas le temps.

Au fond, je repère ma voiture. Je m'y dirige, sans ralentir la cadence. Seul le son de mes pas vient perturber le silence nocturne.

Soudain, mon pied tape quelque chose. Je m'arrête dans ma course, et baisse les yeux. Sur le béton, je distingue un objet rectangulaire, à l'air métallique. Je me penche pour l'identifier. À la faible lumière de la Lune, je devine que l'objet en question est un téléphone portable. Je le saisis lentement, le retourne. L'écran est barré d'une fissure légère.

Je me redresse, l'appareil en main, et observe les alentours. Personne. Quelqu'un a dû le perdre en passant par ici. Peut-être ne s'en est-il même pas rendu compte.

Un éclat de lumière m'interpelle alors. Il a attiré mon attention depuis l'angle de l'immeuble. Je le contourne, d'un pas prudent. Puis je m'arrête. Là, une femme à l'air à peine plus âgée que moi est penchée vers le sol. Elle le balaye du regard, un briquet allumé en main.

J'hésite un instant à aborder cette inconnue, qui n'a pas encore remarqué ma présence. Et puis, ma bonne conscience me rattrape ; j'inspire un bon coup avant de demander :

- Excusez-moi. Vous cherchez quelque chose ?

L'inconnue tourne la tête vers moi. Son visage ne m'est pas familier. Elle n'a pas d'expression particulière, et me fixe en silence. J'hésite à nouveau, mais finis par tendre l'objet trouvé.

- Est-ce à vous ?

Elle baisse les yeux sur le cellulaire dans ma main. Le téléphone s'allume soudain ; l'écran de verrouillage présente une photo. J'y reconnais l'inconnue, qui pose avec un chat dans les bras.

La jeune fille éteint son briquet mais ne pipe mot. Elle prend le téléphone, toujours sans expression. Intérieurement je soupire, comme soulagé.

- Il était sur le parking. Votre chat est très mignon.

Je tente un sourire poli. Pourtant, l'inconnue ne dit toujours rien. Ce n'est pas un merci qui la tuerait, pourtant. Mais elle se contente de me dévisager, sans qu'aucun trait de son visage ne traduise ses pensées.

Mal à l'aise, je remonte le sac sur mon épaule. Je pars à reculons, secouant la main en direction de la voiture.

- Eh bien, je dois y aller. Bonne soirée.

Je lui fais dos et marche rapidement vers la voiture. Une sensation étrange me tiraille l'estomac. Alors que je m'éloigne le plus vite possible, je sens son regard dans mon dos qui ne me quitte pas d'une semelle.

*

- Tu es en retard.

Les yeux rivés sur le sol, je danse sur un pied. Les lumières blanches du plafond me donnent le tournis. Pour occuper mes mains, je joue avec mon trousseau de clés.

𝗧𝗵𝗲 𝗖𝗹𝗼𝘀𝗶𝗻𝗴 𝗦𝗵𝗶𝗳𝘁Où les histoires vivent. Découvrez maintenant