Halfmaninn T.1 - La Porte des Mondes

Prologue : La chanson du barde

La lune resplendissait, éclairant de sa lueur blême l'enseigne de nuit. De la taverne, se dégageait une forte odeur d'alcool et de transpiration. Un silence régnait, inhabituel pour cette auberge populaire. Un homme pénétra dans la demeure de bois, un chapeau à plume recouvrant sa chevelure d'ébène, un instrument de musique accroché sur l'épaule. Il se dirigea d'un pas nonchalant vers la petite estrade où les musiciens avaient pour habitude de se produire. Malheureusement, le convoi de ceux qui devaient être présents avait été attaqué. L'homme retira son manteau, saisit son instrument, et contempla durant quelques secondes son public. Le barde entama alors son récit. Ses mots s'envolaient avec légèreté, se mélangeant avec la douce mélodie de son luth. Il contait une vieille histoire, une histoire dont presque lui seul se souvenait, une histoire qui remontait à plusieurs millénaires.

Quand dans la nuit, commença l'épopée

De celle qui embrasse sa destinée, accompagnée de l'épée,

Croisèrent en chemin la redoutable, le vengeur, l'exilée

Ces Héros que tout oppose et pourtant,

Trouvèrent le protecteur combattant.

Quand sur leur chemin, le Mal s'abattit

Cruel et plus terrible qu'on le dît,

Aux confins du monde, ils trouvèrent refuge,

La guerre éternelle comme unique juge...

Mais il fut interrompu par un bruit de verre qui se brisait, car une nouvelle bagarre avait éclaté dans la taverne. Des hommes saouls, qui ne tenaient presque plus debout, lançaient des chaises et des choppes, en beuglant, se battant pour les faveurs d'une femme peu vêtue, à la peau laiteuse et au sourire charmeur. Le barde demeurait silencieux, tandis qu'un brouhaha s'élevait. Il poussa un long soupire. La foule ne connaîtrait pas la suite de son histoire. Son récit, comme beaucoup d'autres, sombrera dans l'oubli. Nul n'en connaîtra la suite. Nul se souviendrait de l'histoire de ces héros, qui avaient forgés Sahis tel qu'elle était aujourd'hui. Il quitta la taverne, tiraillé au cœur par une pointe de déception.