- Chapitre 3 : Le temps s'endort -

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TW : Ce chapitre est sujet de violence et d'agression sexuel

Il fait lourd lors du début de sa quatre-vingtième journée ici. Elle imagine le soleil dehors qui se lève, fatigué de sa course, derrière les montagnes et les forêts. En s'étirant, ses orteils touchent un métal frais et humide. Les doigts de sa main effleurent les chaînes à ses poignées, faisant un léger bruit de cliquetis. Sa bouche pâteuse laisse passer sa langue pour humidifier ses lèvres gercées d'un geste lent. Ses yeux, recouverts d'un léger tissu, s'ouvrent et bougent à la recherche de lumière, mais, n'en trouvent pas aujourd'hui, n'ont plus. Sa robe grise déchirée aux genoux et aux épaules est marquée de taches rouges un peu partout. Deux lourdes menottes sont agrippées à ses poignées, dont est cadenassée une chaîne, elle-même emprisonnée dans le mur. Les bords de ces deux ronds métalliques compressent sa peau, devenue bleue et violette sur les extrémités. En entendant la porte s'ouvrir, elle se redresse aussitôt, le visage le plus neutre qu'une personne puisse faire.

Des pas se font alors entendre. Ce bruit vient en deux fois, avec le premier lourd, et le second aigu. Représentant le son des chaussures à talons se posant sur le sol d'un rythme régulier.
En même temps que cela, des froissements sont légers à entendre. Comme si c'était des pages que l'on tournait. Tout cela continue jusqu'à arriver juste devant elle. Elle pouvait le sentir, même par-dessus l'odeur non identifiée. C'est une odeur de médicaments, de plastique, de désinfectant. Mais surtout, même avec tout ça, et une touche d'eau de parfum à la menthe, elle sent la mort. Une mort lente et cruelle. Elle sent l'injustice et la tristesse. Avant de prendre la parole, elle ferme son cahier d'un clap, puis tousse pour faire revenir sa voix.

— Votre troisième mois de grossesse semble bien se dérouler.

— Date. Demanda-t-elle d'un ton posé. 

— Nous sommes en mars, mademoiselle.

— Mars..., vingt-et-un. Déjà...

— Bien, nous allons pouvoir vous détacher maintenant.

Suite à ses mots, ses mains jusqu'alors compressées sont relâchées, lui permettant pour la première fois depuis ces trois derniers mois de se mettre assise sur ce qu'elle pense être un lit. Continuellement serré pour l'obliger à rester allongée, tous ses membres s'en étaient retrouvés engourdis, mais maintenant, une liberté totale leur donne une sensation de brûlure et de picotements. La femme arrivée plus tôt l'aide à s'installer dans sa chaise roulante, puis attache une sangle en haut du ventre de Cronnie, ouvrable uniquement avec la clé se trouvant dans sa nouvelle chambre. Cronnie pose alors ses mains sur celui-ci, ressentant la chaleur de son propre corps. Tout en avançant dans les couloirs blancs, la dame reprend la parole.

— Madame Remia, nous allons maintenant vous emmener dans votre chambre. Vous aurez encore votre voile durant le transfert.

La pièce dans laquelle on l'avait enfermée ces trois derniers mois faisait deux mètres carrés de surface, il n'y avait aucune fenêtre aux murs, et le sol était froid. Elle était dans la prison "I" de Remsse, une ville sous-marine fabriquée pour séquestrer les ennemis du roi. C'était il y a plusieurs années, quand Barnabé l'avait capturé. Ils l'avaient jeté dans bien pire que ça : la prison "E".

Des gens parlent autour de nous, ils marchent, courent, mangent, pleurent, crient, hurlent, chantent, se frappent. Se jettent sur les murs, se balancent sur leurs chaînes, sautent dans tous les sens. Tous ces gens sont des prisonniers. Il y en a qui méritent d'être ici, pour viols, meurtres, agressions, cultes, incestes, vols...
Ceux-là sont traités sans pitié, surtout les violeurs. Car, c'est une loi impériale, la seule loi imposée par l'empereur Ib, et non par sa fille Latifa.
Mais il y a essentiellement des journalistes, des rebelles, des espions venant d'autres planètes, des présidents et des rois.
En clair : ceux contre Sa Majesté L'Empereur Ib.
Cronnie fait partie de la seconde section, celle contre sa seigneurie. Elle a donc été placée au départ dans le pire type de prison du pays : la prison blanche. Fait pour rendre fou le plus fort des hommes, cette pièce blanche, toujours allumée, silencieuse, avec de l'eau tombant du plafond toutes les nuits pour empêcher de dormir. Un repas par semaine, juste pour rester en vie. Il n'y a qu'une chose qui diffère des autres prisonniers : Barnabé.
Celui qui l'avait enfermé et qui venait lui parler une fois par mois derrière sa porte, c'est peut-être ce qui l'a sauvé de la folie complète durant toutes ces années. Mais, tout a changé il y a trois mois, quand il est entré pour la première fois dans sa cellule. Elle ne l'a pas encore revu depuis.
Aujourd'hui, elle est emmenée dans une chambre de VIP. Avec des privilèges tels que même les infirmières rêveraient d'y résider. Et tout ça, car elle attend la vie. C'est une chose primordiale pour ce royaume. Les naissances sont l'avenir, puisque les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain. 

Gallia ÉtoiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant