Lorsque l'aube se lèvera, je continuerai de respirer [ Rengoku Kyojuro - KNY ]

Chapitre 19 • "- Je veux t'embrasser à m'en bruler les lèvres"

Les jours s'enchainaient les uns les autres, leur laissant le temps de profiter de la vie comme ils le souhaitaient. Ils n'avaient pas retouché à leurs sabres depuis l'annonce du maitre, certains pouvaient y voir de la négligence, eux ne souhaitaient qu'oublier cette vie de guerrier quelques secondes de plus. Chaque jour, Lekia redoutait l'arrivée d'un corbeau leur annonçant de reprendre les armes. Chaque jour les rapprochait inéluctablement plus près de Muzan, et ça, elle n'en voulait plus. Ces quelques jours de bonheur intense l'avaient complètement transporté hors du temps. Après avoir goûté à un tel confort, une telle paisibilité et des relations aussi douces, elle ne souhaitait plus les perdre, pourtant, il le fallait.

Son cœur se serrait à chaque instant de plus qu'elle passait aux côtés de Kyojuro. Elle tentait de profiter du moment présent au maximum car personne ne savait s'ils survivraient à cette bataille. Des pensées intrusives où elle l'imaginait périr devant ses yeux lui venait parfois et elle tentait de les chasser le plus rapidement possible pour se recentrer sur la douceur de sa voix. Il était devenu le pilier de sa vie. Rien de moins.

Un après-midi, ils avaient décidé de vernir le bois du vieux porche côté nord. Senjuro était déjà suffisamment sollicité dans les travaux et entretiens de ce domaine, c'était la moindre des choses. Kyojuro était au sol, un pinceau dans la main pour repeindre les grands poteaux verticaux pendant que Lekia avait escaladé pour s'occuper de la partie supérieure du porche. Le plus jeune garçon tapait du pied en dessous et grommelait dans sa barbe.

- Je t'avais dit que j'aurais pu le faire !

- Tu en fait déjà bien assez comme ça ! Un garçon de ton âge devrait s'amuser !

- Je suis aussi capable que toi de faire ça !

Le pilier s'arrêta de peindre pour regarder son frère en pleine mou. Cette expression avait l'habitude de le faire rire et cela n'y échappa pas. Son immense main vint se frotter dans la tignasse blonde de l'enfant.

- Là n'est pas la question. Nous sommes aussi là pour aider !

Mais l'enfant ne voulait pas en découdre. Amusé, son frère commença à le chatouiller pour lui faire perdre cette grimace d'insatisfaction, il ne fallut pas longtemps pour que Senjuro hurle de rire en tentant de faire reculer son ainé. Ils commencèrent à chahuter ensemble sur le parquet, laissant un doux sourire à Lekia qui les observait d'en haut. Seulement, un coup de pied mal placé dans le poteau en bois fit trembler toute la structure et le pot de vernis ouvert qu'utilisait l'ébène, tomba à la renverse, s'écrasant tout entier sur les frères en dessous. Un instant de flottement se passa où les deux hommes se demandèrent ce qu'ils leur étaient arrivé, mais en relevant les yeux et voyant la mine déconfite de la pourfendeuse, ils retournèrent dans une explosion de rire malgré le liquide coulant le long de leurs tignasses de feu. Leur bonne humeur n'était visiblement inarrêtable.

La jeune fille descendit habillement à leur rencontre et sortit un mouchoir propre pour éponger activement le visage de Senjuro. Le pauvre enfant se laissa balloter et frotté comme l'aurait fait un chaton supportant la toilette de sa mère, hélas, le vernis avait déjà collé à sa peau. Pendant qu'elle s'activait à le débarbouillé du mieux qu'elle put, le pilier s'arrêta une nouvelle fois quelques instants sur la beauté de sa disciple. Sa façon d'être avec son petit frère ne le rendait clairement pas indifférent. Bien qu'elle n'ait pas eu toute l'aide et le soutien qu'elle aurait mérité au cours de sa vie, elle avait cet instinct d'être celui des autres. Elle savait s'occuper de ce jeune garçon comme s'il s'agissait de son propre enfant et ça le faisait complètement craquer.

- Je crois que nous allons devoir nous laver ! s'exclama-t-il subitement.

- Je vais nettoyer pendant ce temps.